Brume matinale

8h du matin. Un dimanche au parc de Sceaux. Fin d’été. Les feuilles mortes craquent sous les roues de mon vélo. Seul.es quelques coureur.euses animent les allées dans la fraîcheur des platanes. En arrivant aux loges des artistes de la compagnie XY, mon regard est happé par la brume vaporeuse qui habille la grande plaine où aura lieu le spectacle. Le soleil matinal diffuse un atmosphère moelleuse dans laquelle se noient les installations du théâtre.

Dans mon dos, soudain, un bruissement, un froissement. Deux écureuils se poursuivent bruyamment dans un grand Séquoia. Leurs fourrures rousses tournent autour du tronc puis disparaissent dans les hautes branches.

Saisir l’émerveillement.

Quelques minutes plus tard, la brume sera dissipée. Les techniciens termineront les installations. Les premiers spectateurs arriveront pour profiter du spectacle offert par les vingt-quatre acrobates, peaux bronzées, corps musclés, costumes noirs. Une Nuée acrobatique qui traversera la grande plaine en figures silencieuses avant d’attiser la scène sur les rythmes baroques de Rameau et Lully puis de s’approprier le gué traversant le canal dans d’amples éclaboussures. Cavalcades scandées de voltiges virtuoses, tableaux poétiques au son de l’eau qui gicle.

J’ai trouvé cette vidéo pour vous donner une idée. A imaginer au coeur d’un parc à la française et dans l’eau de son canal.

Lumière fragile, moment suspendu

Suis-je vraiment rentrée de vacances alors que je choisis encore une fois, pour commencer cette semaine, une photo de la montagne ?

Dernier matin, je sors les poubelles. Par delà les toits, la montagne s’éveille dans la douceur des premiers rayons du soleil. Le matin discret, ensommeillé, celui des traces d’oreiller sur les joues et des dernières fraîcheurs de la nuit. La lumière douce qui caresse les crêtes juste avant que le soleil ne paraisse complètement, écrasant les ombres.

Quand je reviens d’avoir déposé les poubelles dans le grand collecteur, les ombres ont disparu. Le ciel d’un bleu éclatant ne laisse plus planer aucun mystère. Moi, je garde au cœur de mon téléphone le souvenir de cet au-revoir à la montagne, un de ces moments fragiles et suspendus que j’aime tant surprendre.

Plumetis de lumière

Les vacances sont presque terminées et je reprends le rythme du blog avec la photo du lundi. Celle-ci a été prise dans la lumière dorée du matin, au bord d’un chemin entre le col du Granon et celui de l’Oule. A l’heure où le soleil paraît au-dessus des crêtes et où ses rayons semblent transpercer la montagne.

Alors que le Covid a suspendu la vie de la maison pour quelques jours, je profite du départ matinal d’Eglantine à son stage de parapente pour une balade solitaire sur les hauteurs de la vallée. Seules quelques véhicules sont déjà garés au pied de la buvette. Ses volets sont encore fermées. Deux jeunes couples se préparent à l’arrière d’une voiture voisine. Je les laisse partir devant moi.

Quelques nuages soulignent les étendues de rocaille verdoyante, contrastant avec la dentelle des sommets bleuissant dans le lointain. Au bord du chemin, les herbes des montagnes pointent leurs fruits vers le ciel. La nature a abandonné les couleurs vives des kyrielles de fleurs printanières pour la finesse, la délicatesse et la discrétion estivale.

Les houppes blanches et soyeuses des linaigrettes ondulent légèrement dans le vent tandis que des drôles de fleurs capturent le soleil dans leurs grands filaments plumeteux. Je sais désormais qu’il s’agit du fruit de la Benoîte des montagnes, un akène poilu qui remplace à cette saison sa petite fleur jaune vif.

Dans le contre-jour du soleil, elles évoquent une féérie matinière, l’envol merveilleux d’êtres surnaturels, un moment suspendu au creux de la montagne.

Ces plumetis de lumière ne sont qu’un détail face à la majesté des sommets qui nous entourent mais ce sont eux, justement, qui m’émeuvent le plus.

S’élever au-dessus du bruit

Une seule route traverse cette vallée. Le trafic peut être plus ou moins dense mais il ne cesse jamais vraiment. Quand on grimpe dans la forêt, la clameur des moteurs enveloppe les arbres et leurs racines tortueuses, la terre tendre, les roches saillantes, les herbes hautes, les fleurs fragiles, les feuilles de gentiane, les bourdons poilus, les papillons colorés, les insectes insolites et, même, le chant des oiseaux.

Petit à petit, le tampon sylvestre atténue les ronflements des voitures à essence et les vrombissements des motos. Ou est-ce la fatigue qui fait oublier les bruits de la vallée ? Les derniers mètres du sentier grimpent raide. Les muscles tirent. La bouche s’assèche. Le cœur accélère. Les pieds butent. La sueur emporte avec elle petits et grands soucis. L’esprit se concentre sur le haut du parcours.

Quand enfin le chemin longe la montagne, le corps s’allège, le pas se hâte, la respiration se libère. Le sous-bois préserve la fraîcheur humide d’une nuit d’orages. Mon cœur s’apaise. Mon regard se pose sur ces petites plantes mises en lumière par le soleil qui transperce les hautes frondaisons. Les ailes fragiles d’un papillon sur une fleur sauvage m’émeuvent plus qu’une vue dégagée.

En contrebas, les immeubles en constructions cernent les vieux clochers. Les grues jettent des éclats jaunes. Pourtant, qu’il est doux de retrouver les hautes herbes de la vallée, les chemins blancs et les champs moissonnés. Puis la fraîcheur des vieilles voûtes de la maison.

Retirer les grosses chaussures de randonnée. S’affaler sur le canapé. Et ne plus entendre le ronronnement de la circulation.

Nous profiterons du silence de la montagne et de ses grands espaces quand nous rejoindrons des versants plus éloignés des axes routiers.

Et la lumière fût

La rencontre, c’est une lumière un soir d’orage. Quand le ciel est sombre, menaçant, bas, électrique. Un sourire, quelques mots, une main posée sur la sienne. Et c’est l’éclaircie.

La rencontre est toujours inattendue, généralement bienvenue, souvent enrichissante.

Préparation des lumières au théâtre

La rencontre peut se provoquer. C’est d’ailleurs l’objectif que nous visons aux Petites Cantines à travers la cuisine et les repas partagés. Cependant, cela n’empêche jamais la surprise de l’imprévisible. Car la rencontre nécessite une écoute mutuelle dans laquelle naît une infinité de possibles. Personne ne saurait les prévoir.

Et c’est à travers cette imprévisibilité que celles et ceux qui la vivent trouvent une richesse partagée. Bien sûr, les mauvaises rencontres existent. Heureusement, elles sont minoritaires. Dans la plupart des cas, les rencontres sont positives. Découvrir l’autre, c’est découvrir une part de soi-même. Agrandir son cœur, étoffer sa curiosité, développer ses sens, accueillir l’altérité, fertiliser ses qualités. La liste des bienfaits de la rencontre pourrait s’étirer sur des pages.

Grâce à cet enrichissement réciproque, la rencontre est bienvenue. Elle bouscule parfois. Elle dérange. Elle prend du temps. Elle demande de l’énergie. Mais quelle joie quand on la vit ! Des portes s’ouvrent, des idées jaillissent, des perspectives se dégagent.

Cette semaine était un peu triste. De l’abattement. Des questionnements. Un peu d’angoisse. Un ciel bouché. Puis, une rencontre. Une conversation. Une réflexion. Une rêverie. Un enthousiasme. Et c’est un soleil dans le cœur.

Je rentre d’une folle journée mixant mon travail au théâtre et mon engagement aux Petites Cantines. Les rencontres se sont multipliées. On peut y voir des signes. Dieu. La chance. Chacun a son interprétation.

Ce soir, je n’ai qu’une certitude, c’est dans la rencontre que naissent les plus belles pensées.

Changements d’éclairage

Il en est de l’écriture comme de la photographie ou une peinture de Monnet, la lumière est fugace, l’impression évanescente. Un instant, la lumière filtre à travers les pétales d’une rose et le célèbre poème de Ronsard résonne à mes oreilles. Mignonne, allons voir si la rose...

La minute suivante, un gris maussade écrase les cœurs, éteint les élans, étouffe l’émerveillement.

Si j’écris en regardant la rose dans les raies du soleil, mes mots seront aussi sucrés qu’un loukoum.

Pourtant, si je choisis ce moment où je viens de lire une offre d’emploi qui me fait vibrer alors que je sais que je ne peux pas y répondre, mes mots seront du lait noir.

Travailler n’est pas synonyme d’avoir un emploi. J’ai un emploi. Quelques heures par mois au théâtre de la ville où je suis chargée d’accueillir les artistes. C’est une activité certes rémunérée, mais sans grande envergure. C’est d’ailleurs pour cette raison que cet emploi me convient actuellement très bien. Pas de pression, une très grande souplesse, la rencontre de nouveaux horizons, ceux du théâtre, et l’opportunité de découvrir de nombreux spectacles. La chance, aussi, d’ouvrir le monde des arts vivants à mes filles que j’emmène régulièrement au théâtre.

Mon travail principal, cependant, n’est pas rémunéré. C’est du bénévolat. Un engagement gratuit et volontaire. Je suis co-porteuse de projet des Petites Cantines Antony. Donner, c’est aussi recevoir. Un poncif qui garde pourtant toute sa force pour qui s’embarque dans ce genre d’aventure. Notre objectif est d’ouvrir un lieu où créer des liens de proximité et de qualité entre les habitants grâce à la cuisine participative et aux repas partagés. Mobilisation de communauté. Recherche de financement. Et prospection immobilière pour trouver un local. Passionnant, prenant, désespérant, galvanisant, questionnant, épuisant, énergisant. Beaucoup d’émotions diverses, voire contraires, dans ce projet collectif. Et toujours ce critère indispensable, beaucoup de souplesse.

La souplesse, qualité nécessaire pour accompagner au mieux les progrès d’Eglantine dans l’expérience des limites de son corps qui se fatigue tellement vite. La souplesse, impératif permanent des aidants, cette armée de l’ombre qui soutient celles et ceux qui ont besoin d’un appui pour vivre.

Or, la souplesse n’est pas la caractéristique première d’une grande entreprise qui cherche un/une responsable éditorial-e à temps plein. Ni de celle qui emploie mon ingénieur de mari.

J’ai refermé la fenêtre de l’annonce. Trop tôt.

Heureusement, j’ai la chance d’avoir des amies avec qui parler de cette frustration passagère. Surtout, le sujet n’est pas tabou au sein de cette famille qui me prend tant de temps mais qui m’apporte aussi tant de ravissement. Ce que nous construisons ensemble, tous les quatre, est puissant. Malgré les disputes, les incompréhensions et les dissensions. Malgré, donc, toutes les nuances du désaccord, nous réussissons à nous écouter, nous respecter, nous stimuler, nous protéger, nous encourager, sans nous oublier.

Hortense s’épanouit sereinement. Eglantine se stabilise tranquillement. J’écris tous les jours dans ce blog. Et Olivier trouve le temps de prendre soin de lui en dehors du stress de son boulot.

Alors que je termine ce texte, la nuit est tombée. Mes mots ont la douceur d’un feu de cheminée et Kolinga chante Petit homme. Encore un nouvel éclairage…

Raconte-moi l’amour
Je veux le vivre peu importe le coût
De tes calculs je me fous en somme
C’est l’infini le rendez-vous
Arrête-toi, petit homme
Arrête-toi, petit homme
Arrête ta course folle
Tu ne doubleras personne

Une nouvelle par mois

Dernier jour de janvier. Les mois d’hiver me pèsent avec leur froid gris et humide. J’ai réussi à écrire une Tasse de Thé par jour. Un petit moment chaleureux qui me permet de mettre la lumière sur ce qui m’égaye. Ça n’empêche pas l’ombre. Sans elle la lumière n’existerait pas. Le vieillissement de ma maman, la fatigue d’Eglantine et tous ces petits maux qui font broyer du noir. La vie, comme la peinture, vibre dans les contrastes, dans les oppositions aussi bien que dans les complémentaires.

La Tasse de Thé infuse sereinement dans des couleurs chatoyantes. Pour terminer ce premier mois d’écriture régulière, je publie aujourd’hui une nouvelle que j’ai écrite il y a presque un an, La fabrique à sourires.

Si je continue ce blog avec autant de régularité, je finirai chaque mois avec une de mes nouvelles.

Bonne lecture !

Et la lumière fut

J’ouvre un oeil. Sommeil d’après-midi. Soleil d’hiver qui vient transpercer les feuilles d’une clématite dans le salon.

La lumière fuse, redessinant les feuilles d’un vert translucide, plongeant les fleurs dans l’ombre du contre-jour.

Moment fugace avant que le soleil ne disparaisse derrière les premiers nuages. Grâce éphémère du quotidien.

Rêves évaporés

Reflets de lumières

Poésie humide la nuit

Les rêves s’envolent