Éternelle Notre-Dame

Devant Notre-Dame, les groupes se succèdent. Le guides hissent leurs parapluies colorés pour se distinguer et expliquent l’histoire, l’architecture et l’envergure culturelle du bâtiment dans toutes les langues. Face à la cathédrale, on a installé des gradins. Chacun peut s’assoir – en plein soleil caniculaire – et admirer la grande brûlée.

Eglantine et moi arrivons à l’heure où la matinée n’est pas encore trop chaude. Aucun arceau pour accrocher des vélos. Nous trouvons finalement un arbre autour duquel garer Janice et Pimprenelle. Nous rejoignons la grande salle sous le parvis. L’entrée est juste en face de la préfecture de Police. La température y est relativement fraîche. Nous déposons sacs, batteries et casques de vélo dans le vestiaire. Puis nous nous équipons d’un casque virtuel et d’un gros ordinateur porté sur le dos.

Enfin, la visite virtuelle Éternelle Notre-Dame peut commencer.

45 minutes à travers le temps et l’espace.

Nous commençons de nuit. La pluie tombe dans les ruelles étroites du Paris du Moyen-Âge. Notre-Dame est encore en construction. Elle ne se découvre qu’à la fin d’une petite rue, entre des maisons un peu de guingois, imposant sa sévère majesté sur le chaos de la cité.

Les sculptures de la porte, l’alignement des colonnes, le jeu de la lumière qui inonde les grandes allées, le labeur des artisans. Tailleurs de pierre, menuisiers, charpentiers, vitraillistes… Notre guide hologramme nous présente leur travail. Il nous fait passer à travers les murs puis nous entraînent au niveau des voûtes et de la fameuse forêt, cette charpente de chêne partie en fumée dans l’incendie d’avril 2019.

Les décors sont grandioses et tellement réaliste que j’ai un vertige monstrueux quand nous montons sur une plateforme sans rambarde qui s’élève à plusieurs mètres de haut. Ma raison a beau savoir que je ne quitte pas une pièce aveugle et souterraine, mon cerveau perçoit le vide. J’ai les jambes qui flageolent et m’agrippe à la main d’Eglantine. Seule ma dignité me retient de me plaquer au sol. J’entends des petits cris de peur, je ne suis pas la seule à mal appréhender le vide sous mes pieds alors que nous marchons sur les poutres de bois au-dessus de la nef.

La présentation des trois rosaces est magnifique. Dans une pénombre mystérieuse, la lumière anime les vitraux et baigne le sol de tâches roses et bleues. Éblouissant.

Nous côtoyons les cloches, admirons les gargouilles, découvrons l’ampleur des dégâts du feu depuis le haut des tours. Paris s’étend à nos pieds.

Enfin des hommes et des femmes portant des gilets et des casques de sécurité s’affairent à tout reconstruire. Encensement du travail des compagnons et de cette foule de professionnels qui s’affaire autour de la blessée. Un peu de mal à croire, tout de même, que le chantier sera terminé en 2024. Mais une vibrante envie d’y croire.

Quand nous retirons nos casques de réalité virtuelle, nous jetons un œil à la salle où naviguent encore les autres visiteurs. La magie n’opère plus. Au contraire, chacun semble esseulé et ridiculement incapable d’entrer en relation les autres. Je préfère que la réalité virtuelle continue de rester une expérience anecdotique et que les humains continuent de se voir et de découvrir le monde avec leurs yeux.

Avant de partir, il ne faut pas rater l’exposition traditionnelle qui présente tous les métiers des artisans qui redonnent vie à Notre-Dame, le travail titanesque engagé sur le chantier, des chiffres tout en superlatifs et une magnifique maquette de l’édifice.

Le seul vrai bémol de cette expérience n’est pas anodin, c’est le prix. Plus de 30 euros pour les plein tarifs. Lors de la visite virtuelle, les personnages s’adressent à nous en tant que donateurs. Cette expérience de réalité virtuelle soutient vraisemblablement l’effort financier de reconstruction. Dommage tout de même que ce soit aussi cher.

Quand nous ressortons, la chaleur nous saisit. Les grappes de touristes sont toujours là, réfugiées sous les rangées d’arbres. Seuls quelques courageux qui ne craignent pas la chaleur profitent des gradins.

Nous jetons un dernier regard à Notre-Dame, elle nous semble désormais plus intime.

Le même jour

Depuis des années, je stocke mes photos dans Google Photo. Chaque jour, en haut de l’écran de mon iPad, l’appli me propose des photos prises le même jour. Ça peut être il y a un an comme il y en a douze. Comme un album photo qu’on ouvrirait au hasard des années plus tard.

Ce matin, c’est une photo d’Hortense, une bonne trentaine de centimètres en moins, de longs cheveux en cascade sur ses épaules bronzées, une robe de coton blanc et son léger sourire mutin qui fait remonter des petites joues bien rondes. Derrière, la ruelle descend jusqu’au port d’Hydra, en Grèce. L’émotion me gagne immédiatement. Le temps qui passe, les corps qui changent si vite – la photo a seulement trois ans…

Dans les ruelles d’Hydra, en 2020

Quelques jours plus tôt, c’était une photo d’Églantine. En chemise bleue, entourée de ses copines au petit matin à la gare du Nord. Les gros sacs-à-dos sont posés au sol le temps de la photo. Les sourires sont francs, chargés de joie et de rêves, de promesses de feux de camp et d’aventures. Alors, bien sûr, à l’émotion se mêle le regret de cette époque où l’on surveillait simplement que les activités ne soient pas trop nombreuses. Entre la tournée de la Maîtrise, les colos et le camp scout, il nous arrivait de ne voir Églantine que quelques jours en un mois d’été.

A présent, on compte le temps de repos nécessaire après chaque trajet, chaque sortie, chaque rencontre. On se laisse toujours la possibilité d’annuler, de changer de programme pour qu’Églantine puisse gérer sa fatigue au mieux. Surtout, qu’elle ait le choix, qu’elle garde ses envies et ses rêves. Comme le parapente chaque été. Comme le catamaran en juillet. Ou une sortie à Paris avec son vélo.

Aujourd’hui, pour Hortense, notre temps est trop lent. Comme quand elle file dans la montagne alors que j’ahane à l’arrière. Elle a besoin des autres ados, de fous rires partagés, de journées bien remplies, de découvertes loin de nous. Alors elle a hâte de retrouver ses copines aux premières heures de la matinée, demain, sur le quai de la gare. Elle aura sa chemise bleue, son gros sac-à-dos sera posé sur le sol. Il faudra prendre la photo rapidement car ils seront tous pressés de monter dans le train.

Et dans deux ou trois ans, je regarderai la photo avec la même émotion qu’aujourd’hui. D’ici là, la vie aura laissé son empreinte, avec ses bons moments et ses mauvais. Mais ce qu’il y a de bien avec les photos, c’est qu’on préfère les prendre avec le sourire. Un stock de bons souvenirs à enrichir au quotidien.

D’ailleurs j’espère bien réussir, cette année, à imprimer un album souvenir, sur papier, de nos vacances. Pour qu’on en tourne les pages, dans quelques années, le cœur battant, le sourire aux lèvres. Le même jour ou un autre jour, qu’importe.

L’insomnie

L’insomnie te réveille au milieu de la nuit. Tu es prête à commencer la journée. Alors tu regardes l’heure et tu te rends compte que minuit est à peine passé. Tes pensées se mettent à danser, à sautiller dans des rondes infinies, chassant le sommeil aux confins de l’obscurité. Obscurité, vraiment ?

Ville ou village, la nuit n’est plus très sombre. Les lampadaires rassurent et sécurisent. Quand Eglantine se réveille à l’heure où tous les volets sont encore fermés, cette nuit d’été à la montagne, elle sort faire un tour. Dans la lumière douce de l’éclairage public, elle a froid aux pieds et se dirige vers la source chaude derrière la maison. Elle retire ses tongs et plonge ses pieds dans la tiédeur de l’eau. Plantée dans le bassin de la source, elle lève la tête pour contempler le ciel. Seules quelques étoiles résistent à la pollution lumineuse des hommes. Suffisant pour apaiser l’insomnie et retrouver le sommeil.

Juste avant notre départ du village, nous essayons cette fois d’apercevoir quelques étoiles filantes. Les Perséides doivent être nombreuses à l’occasion de la nuit des étoiles. Nous mettons un peu de temps à trouver un champ à plat assez éloigné des sources lumineuses. Couchés dans l’herbe, enroulés dans des couvertures car la nuit est fraîche, nous fixons le ciel avec intensité. Quand la ouate des nuages se dissipe, nous apercevons même la Voie lactée. Et, effectivement, quelques étoiles filantes emportent nos vœux au creux de la nuit.

Petit aperçu du ciel grâce aux bons capteurs du téléphone d’Olivier

Ce soir-là, Hortense est déchaînée. Entourée dans un tapis de sol, elle court à travers champ, saute sur place, semble s’envoler à travers les rues du village lorsque nous retournons vers la maison. Il est tard, mais Hortense ne s’endort jamais tôt. Cette fois-ci, pourtant, son énergie vespérale ordinaire est décuplée par le Red Bull qu’elle a partagée avec une amie à l’apéro. Feu follet sympathique qui s’éteindra subitement une fois l’effet de la boisson passé. Hortense dormira finalement d’un sommeil profond.

Le village au milieu de la nuit

D’autres insomnies délaissent les étoiles et préfèrent les pages des livres. Leurs histoires repoussent nos pensées noires et accueillent le retour du sommeil. L’inverse est parfois vrai et le livre entraîne l’insomnie. Incapable d’abandonner le récit, on tourne chaque page en se disant que c’est la dernière. Les yeux piquent mais nos paupières résistent et la lecture continue. C’est ce qui est arrivé à Hortense la nuit dernière.

Embarquée dans le livre que lui avait prêté sa sœur en fin de journée, elle a été incapable de le lâcher. Je l’ai trouvée au petit matin dans le canapé. Il ne lui restait que quelques pages à lire. Les légions de poussière, de Brandon Sanderson, l’ont gardée éveillée toute la nuit. Comment râler alors que j’ai passé les dernières semaines à tenter de lui faire lire autre chose que des webtoons mal traduits ?

Ce soir, la chaleur est épaisse et lourde. Tout le monde est déjà monté se coucher. Django pousse de petits miaulements dans son sommeil. Les moustiques rodent. Dans le ciel citadin, je n’aperçois pas une étoile pour guider mes rêves. Mais j’ai le souvenir de la Voie lactée, des étoiles filantes, de l’ombre de la montagne et des éclats de rire dans l’obscurité de la vallée pour accueillir mon sommeil.

Pour changer de la randonnée

A la montagne, en été, la randonnée est reine. Grosses chaussures, bâtons, casquette et indispensables réserves d’eau, les marcheurs s’engagent à l’assaut des pentes rocailleuses par petites grappes confiantes. Cartes papier à l’ancienne ou GPS ultrasophistiqués, applis pour choisir son itinéraire en fonction de la durée et de la difficulté (pour nous, c’est Visorando)… Chacun.e part à la découverte d’un univers singulier et finalement méconnu. Chaque lacet est l’occasion de s’enthousiasmer, que ce soit pour une plante, une vue, le dessin de la roche, une marmotte ou la capacité de son propre corps à aller jusque là.

La montagne estivale offre toute une palette d’activités en dehors de la randonnée.

Le parapente

Grâce à Eglantine, le parapente occupe amplement nos pensées et notre temps. Même si c’est elle qui passe le plus de temps avec sa voile, il faut l’emmener aux rendez-vous particulièrement matinaux de son école. Quand nous sommes au sol, Eglantine ne peut s’empêcher d’étudier le comportement des parapentes naviguant au-dessus de sa tête. Elle analyse le mouvement de la voile, décortique la trajectoire, émet des hypothèses de vol.

Quant à Olivier et Hortense, ils se contentent d’un vol en biplace vers le col de Galibier. Les émotions du vol sans l’apprentissage technique. Cette année, ils ont décollé tirés par un treuil. Je m’étais installée un peu plus bas pour voir la voile surgir derrière le relief dans la lumière douce de la fin de journée. Magique.

Quand la fatigue se fait sentir ou que l’envie de marcher plusieurs heures dans la montagne n’est pas au rendez-vous, la montagne offre encore de nombreuses alternatives, notamment pour Hortense.

La tyrolienne géante

Un peu plus d’un kilomètre de longueur, trois cents mètres de dénivelés dévalés en une petite minute. Rapide mais intense. Sensations garanties. Un incontournable chaque année à Serre Chevalier Vallée.

Le Mountain Kart

Pour dévaler la montagne sur un petit bolide à trois roues, gros pneus pour ne pas trop déraper, casque sur la tête, le nez dans la poussière, les fesses dans l’eau à la traversée des torrents. Pas besoin de moteur, la pente se charge de tout. Hortense et Olivier se sont bien amusés avec Hermione et Gilles.

L’Aqua Park

Le covid en montagne, c’est vraiment pas drôle. Car il faut un peu de temps avant de retrouver son souffle et reprendre la randonnée. Gilles, le copain d’Olivier avec qui nous passions nos vacances, a donc opté pour une journée au lac de Serre-Ponçon. Serviettes de plages et jeux gonflables pour s’amuser sans trop s’essouffler à l’Aqua Park. Nous n’avons pas testé – ce jour-là nous marchions au milieu des marmottes vers le col d’Arsine – mais ils sont revenus souriants, détendus, avec de belles couleurs/

L’accrobranche, avec catapulte et airbag

Hortense y est retournée avec son amie Hermione avant que celle-ci ne reparte avec son papa vers la Bretagne. Toujours le plaisir des sensations fortes avec la catapulte avec un très beau saut sans vriller en arrière. Beaucoup de transpiration sur les parcours dans les arbres – mais qui a eu l’idée de mettre un vélo là-haut ?! Et de grands éclats de rire partagés.

Le luge tubing

Toujours à la montagne mais un peu plus bas puisque nous voilà cette fois-ci sur les hauteurs d’Aix-les-Bains, au Revard. Au loin le Mont-Blanc, la tête dans les nuages. Une vue imprenable sur le l’immensité du lac du Bourget. Le ciel est couvert, la chaleur un peu lourde, mais un p’tit vent frais souffle en haut du Revard quand les filles s’installent pour la première fois dans leur grosse bouée renforcée d’un coque rigide. Deux pistes, l’une enchaîne plusieurs virages sur toute la longueur. Ça tourne et ça descend vite. L’autre piste , plus courte, se termine par un saut en hauteur et un atterrissage sur l’immense airbag gonflé en-dessous.

Les passerelles dans les arbres

De l’autre côté du lac se dresse la Dent du Chat. La légende parle d’un pêcheur qui n’aurait pas respecté sa promesse, d’un chaton noir devenu énorme et terrifiant, qui sera finalement abattu et laissera un de ses crocs planté dans la montagne en tombant dans le lac. Jolie ballade sur la crête, sous les arbres, pour aller jusqu’à la table d’orientation – l’ascension de la Dent du Chat s’adresse à des montagnards bien plus expérimentés que nous.

La Dent du Chat

Pendant ce temps, Eglantine et Hortense ont découvert la légende de la Dent du Chat à travers une sorte de chasse au trésor sur un parcours dans les arbres. Pas de harnais comme à l’accrobranche, mais des passerelles souples et des filets tout en sécurité pour un parcours accessible à tous.

Photo du site du Lac du Bourget

Autant d’activités pour vivre la montagne autrement. Je suis épatée par l’imagination de ceux qui inventent, importent, installent ces structures.

Personnellement, j’apprécie plutôt une randonnée tranquille dans la lumière dorée du matin ou du soir, un pique-nique sur une crête et une sieste au-dessus de la vallée.

Quand Eglantine s’envole

6h06 – Quitter la maison

Le village dort encore. De gros nuages gris plombent la vallée. Eglantine a rendez-vous au rond-point de Chantemerle pour rejoindre le col du Granon avec son école de parapente, Émotion Air.

6h24 – Le ciel prend des couleurs

Eglantine a rejoint son groupe de parapentiste dans la camionnette de l’école. Chantoune et moi les suivons avec notre voiture. Objectif : assister au décollage.

6h58 – Atteindre la zone de décollage

La procession des parapentistes, voile et sellette sur le dos, gravit les derniers mètres jusqu’à la zone de décollage. Le temps de prendre nos sacs à dos dans le coffre et nous prenons le même chemin qu’eux.

7h08 – Déployer les voiles

Chacun, chacune déplie sa voile sur l’herbe courte du col du Granon. Le vent monte de la vallée. Nécessaire pour le parapente.

7h13 – Changement de vent

Le vent a tourné. Tout le monde attend le retour de la bise montante pour décoller. Le parapente, c’est aussi une histoire de patience. Choisir les bonnes conditions pour réussir son décollage et son vol, c’est aussi savoir attendre le bon mouvement d’air.

7h15 – Attendre encore

On patiente encore. Le soleil effleure les sommets. Au loin, au fond de la vallée, Briançon se réveille.

En face de nous, les Écrins. Malheureusement, les glaciers fondent d’année en année.

7h40 – Premier décollage

Guidée par la radio, Eglantine décolle pour la première fois du col du Granon. L’année dernière, terrassée de fatigue, elle avait préféré ne pas décoller plutôt que de prendre des risques. Cette année, elle s’envole pour 20 minutes de bonheur avant d’atterrir 1100 mètres plus bas.

7h52 – Déplacer la voiture

Maintenant qu’Eglantine est partie, nous allons garer la voiture sur le parking du col. Le monospace familial n’apprécie que modérément le chemin de pierres mais il nous fallait suivre la camionnette des parapentistes pour connaître l’emplacement du décollage.

8h20 – Randonner par monts et par vaux

Il n’y a pas réellement de sentier qui mène à la zone de décollage. Nous ne souhabitons pas emprunter le chemin de pierres accessible en voiture. Il manque de charme et de pittoresque. Alors Chantoune et moi traversons par monts et par vaux le relief qui sépare le col de la zone de décollage. Nous arrivons en même temps que les parapentistes.

Dans la vallée, le soleil réchauffe Briançon. Nous, nous sommes emmitouflées dans les polaires et les coupe-vents.

8h54 – Réinstaller sa voile

Ses gestes, mille fois répétés, sont précis et minutieux. La sécurité du matériel est primordiale pour réussir son vol.

9h05 – Attendre son tour

Bien centrée devant sa voile, la sellette sur le dos, le casque sur la tête, Eglantine attend le feu vert de Nico pour décoller. Les radios crachotent les instructions des moniteurs. Les élèves se répartissent sur deux fréquences. Tom-Tom et Xavier guident les parapentistes depuis le sol alors que Nico, le grand chef, donnent ses instructions au décollage.

9h19 – Observer les nuages

Juchée sur une proéminence, Chantoune guette les nuages en attendant le départ d’Eglantine.

9h20 – Voler en autonomie

Alors que ça va être à Eglantine de décoller, Nico ne lui donne qu’une instruction : « autonomie totale ».

Eglantine va donc gérer son vol du décollage à l’atterrissage sans instruction radio. Cependant, les moniteurs ne la quitte pas des yeux. En cas de problème, ils interviendront immédiatement pour guider Eglantine et éviter un accident.

Nico est super fier de voir Eglantine réussir parfaitement son premier décollage en autonomie. Moi, je suis très émue.

Le temps de descendre, nous récupèrerons Eglantine un peu après 10h. Son sourire illumine son visage. Elle rayonne d’un bonheur intense. Quand Eglantine s’envole, elle happe toute l’énergie du ciel.

Accélération des battements de coeur

Qui se soucie aujourd’hui de l’histoire de l’accrobranche ? Le concept est tellement répandu qu’il nous semble avoir toujours existé. Pourtant, le premier parc acrobatique forestier date seulement de 1995 et c’est celui de Serre-Chevalier. Denis Payan, ancien officier parachutiste, entreprend alors de rendre accessible au public le plaisir du parcours d’audace d’un stage commando dans sa région natale.

Plaisir de dépasser ses peurs, de puiser dans ses ultimes forces, de défier l’apesanteur en toute sécurité, harnaché, mousquetonné et équipé d’une poulie pour les tyroliennes. Explorer la cime des arbres sur des filins étroits, des filets, des passerelles mouvantes pour une montée d’adrénaline, un pur plaisir pour Eglantine et Hortense. Olivier ne démérite pas qui les accompagne jusque sur les parcours les plus difficiles.

Moi, j’avoue, je reste au sol.

Mais le meilleur moment des filles aura finalement été la catapulte qui les propulsera à 20m dans les arbres. Cris de peur et cris de joie, yoyo de l’élastique qui rebondit plusieurs fois, frayeur personnelle quand Hortense est partie dans une vrille que nous appellerons dignement un magnifique salto arrière. Visages radieux, sourires XXL, souvenirs partagés que l’on se raconte en boucle dans la voiture au retour, impatience de revenir bientôt.

Plaisir de quitter la pesanteur du sol

Que la vie semble belle quand quand le cœur bat à cent à l’heure !

La saut de Tarzan

Olivier et les filles ont ajusté leurs baudriers, enfilé leurs gants et écouté les consignes de sécurité. Accrochés à leur ceintures, deux mousquetons hyper sécurisés et une poulie. Ils se hissent sur le premier parcours grâce à un mur d’escalade en bois. Hortense a insisté pour que leur père partage avec elles une après-midi d’accrobranche.

Sous les hêtres, les chênes et les marronniers, les encouragements croisent quelques cris de frayeur, le chuintement des tyroliennes et le claquement des mousquetons qui s’enclenchent sur les câbles. Les soleil s’immisce entre les branches mais le feuillage dense préserve une fraîcheur relative. Le vent souffle délicatement, tenant la chaleur estival à l’écart des grimpeurs.

Chacun, chacune pousse les frontières de ses peurs. En équilibre sur des rondins de bois, enjambant le vide à chaque pas, suspendu plusieurs mètres au-dessus du sol, accroché à une corde ou les pieds instables sur des planches de bois oscillantes.

Jusqu’au parcours final que les filles attaquent seules avec un saut de la Tarzan. Suspendues à une grosse corde, elles doivent se jeter dans le vide avant de pouvoir s’accrocher à un immense filet. Ça tire sur les bras, force dans les jambes, accélère le rythme cardiaque, rougit les joues, mouille les tee-shirts mais les filles réussissent brillamment l’épreuve. Notamment Hortense qui s’accroche au filet du premier coup. Qu’il est loin le temps où elles restaient bloquées sur des plateformes, paralysées par la peur de s’engager sur les cordes tendues.

Je préfère m’installer sous un vénérable marronnier et regarder la lumière jouer entre ses larges feuilles.

Carte routière

Déjà six heures que nous sommes sur la route. A l’arrière de la voiture, Hortense écoute de la musique dans mon gros casque réducteur de bruit. Sitôt quittés nos amies à Carry le Rouet, elle a sombré dans un sommeil profond, la tête renversée contre la portière. Une semaine de plongée quotidienne, de levés à 7h30, de veillées animés, d’éclats de rire avec les nouvelles copines et copains, de kayak dans les calanques et autres défis sportifs à l’UCPA de Niolon… elle est crevée.

Nous venons de passer Vezelay quand Eglantine entreprend de nous situer sur la carte de France. Je l’ai acheté sur une aire d’autoroute à l’aller. Mais nous étions toutes trop fatiguées pour s’y intéresser. C’est la première fois qu’Eglantine suit notre trajet sur une carte en papier.

Nous ne roulons plus qu’avec le GPS. Très pratique pour ne pas se perdre. Complètement inutile pour se repérer dans l’espace. Avec Waze la route ressemble à une éternelle ligne droite. Si l’on sait où l’on va, on ne sait plus où l’on est.

Le doigt posé sur la carte, Eglantine a repéré le nom des villes, le numéro des routes, celui des sorties de l’A6, la destination des autoroutes que nous rencontrions. L’A19 partait vers Orléans. L’A77 provenait de Nevers. Les départements sont devenus concrets. Les distances se sont ajustées. La géographie a retrouvé une réalité dans laquelle projeter le trajet. La route a cessé d’être un espace distendu où seul le temps qui passe servirait de repère.

En plus, la lecture de la carte amène des discussions, des découvertes, des mises au point et des interrogations. Plus le temps de s’ennuyer. Arrivées en région parisienne, il nous aurait fallu un plan plus détaillé pour continuer à suivre.

Désormais cette carte restera toujours à portée de main dans le vide poche central de la voiture.

Ca plane en catamaran à La Ciotat

La Ciotat est une ville originale. D’un côté, un humble port de pêche, sas embarcations traditionnelles colorées et la flotte des bateaux de plaisance. Sur le quai d’en face, un immense portique de plus de quatre-vingt-six mètres de haut, des hangars gigantesques et des mega yachts de plusieurs étages.

Sur le plus grand portique, le chiffre 105 rappelle les derniers ouvriers qui ont défendu leurs chantiers navals à la fin des années 80.

Sur les plages, les familles se retrouvent, les amis viennent partager un verre ou un pique-nique en fin de journée.

Eglantine, elle, a rejoint chaque après-midi la société Nautique de La Ciotat pour deux heures et demie sur son catamaran à faire des aller-retours dans la baie d’Amour sous l’œil du Bec de l’Aigle. Nous sommes venues à La Ciotat car c’était le seul club que j’avais trouvé qui proposais des stages de catamaran alors que les vacances scolaires n’avaient pas encore commencé.

Le Bec de l’Aigle… et la petite voile à droite, c’est le catamaran d’Eglantine

Parfois je m’asseyais au bout d’une jetée pour la regarder. Enfin, tenter d’apercevoir le numéro 4 sur sa voile. Sinon, de loin, impossible de reconnaître ma navigatrice préférée.

Cette dernière journée l’a tout de même bien secouée. Beaucoup de vent. Beaucoup de vagues. Des manœuvres difficiles. Mais un sourire magnifique à la fin de cette semaine de voile.

Ca valait la peine de venir à La Ciotat.

Nager dans le bonheur

La route est longue pour rejoindre les côtes varoises. Après deux week-ends de Solstice et un gros rangement au théâtre lundi matin, j’ai mis les filles dans la voiture, trois valises, des palmes des masques et des tubas. Direction le Cap Dramont. Huit heures de route. Neuf heures avec les pauses. Nécessaires les pauses. Mes yeux se fermaient. Je me suis fait une petite frayeur. De micro-siestes en café bien noir, nous avons roulé tout l’après-midi et une bonne partie de la soirée.

Quand nous sommes arrivées, Eglantine et Hortense sont allées se promener sur la plage pendant que je nous installais.

Enfin, aujourd’hui, profiter du soleil et de l’eau claire. Regarder le temps qui passe et les gens qui parlent sur la plage. Beaucoup d’Allemands, de Hollandais et d’Anglais. Les Français en sont pas en vacances.

Face à nous, l’Île d’Or qui a inspiré l’Île Noire des aventures de Tintin.

Nous avons partagé des pizzas en regardant le soleil se coucher sur la baie.

Traîner sur les rochers. Les pieds sur les galets.

Hortense dessinait dans son carnet, moi dans le mien. Eglantine, elle, déroulait sa pelote de coton pour un nouvel ouvrage au crochet. Douceur, calme, création…

La mer, pour rêver de jours meilleurs, noyer la fatigue et nager dans le bonheur.