Éternelle Notre-Dame

Devant Notre-Dame, les groupes se succèdent. Le guides hissent leurs parapluies colorés pour se distinguer et expliquent l’histoire, l’architecture et l’envergure culturelle du bâtiment dans toutes les langues. Face à la cathédrale, on a installé des gradins. Chacun peut s’assoir – en plein soleil caniculaire – et admirer la grande brûlée.

Eglantine et moi arrivons à l’heure où la matinée n’est pas encore trop chaude. Aucun arceau pour accrocher des vélos. Nous trouvons finalement un arbre autour duquel garer Janice et Pimprenelle. Nous rejoignons la grande salle sous le parvis. L’entrée est juste en face de la préfecture de Police. La température y est relativement fraîche. Nous déposons sacs, batteries et casques de vélo dans le vestiaire. Puis nous nous équipons d’un casque virtuel et d’un gros ordinateur porté sur le dos.

Enfin, la visite virtuelle Éternelle Notre-Dame peut commencer.

45 minutes à travers le temps et l’espace.

Nous commençons de nuit. La pluie tombe dans les ruelles étroites du Paris du Moyen-Âge. Notre-Dame est encore en construction. Elle ne se découvre qu’à la fin d’une petite rue, entre des maisons un peu de guingois, imposant sa sévère majesté sur le chaos de la cité.

Les sculptures de la porte, l’alignement des colonnes, le jeu de la lumière qui inonde les grandes allées, le labeur des artisans. Tailleurs de pierre, menuisiers, charpentiers, vitraillistes… Notre guide hologramme nous présente leur travail. Il nous fait passer à travers les murs puis nous entraînent au niveau des voûtes et de la fameuse forêt, cette charpente de chêne partie en fumée dans l’incendie d’avril 2019.

Les décors sont grandioses et tellement réaliste que j’ai un vertige monstrueux quand nous montons sur une plateforme sans rambarde qui s’élève à plusieurs mètres de haut. Ma raison a beau savoir que je ne quitte pas une pièce aveugle et souterraine, mon cerveau perçoit le vide. J’ai les jambes qui flageolent et m’agrippe à la main d’Eglantine. Seule ma dignité me retient de me plaquer au sol. J’entends des petits cris de peur, je ne suis pas la seule à mal appréhender le vide sous mes pieds alors que nous marchons sur les poutres de bois au-dessus de la nef.

La présentation des trois rosaces est magnifique. Dans une pénombre mystérieuse, la lumière anime les vitraux et baigne le sol de tâches roses et bleues. Éblouissant.

Nous côtoyons les cloches, admirons les gargouilles, découvrons l’ampleur des dégâts du feu depuis le haut des tours. Paris s’étend à nos pieds.

Enfin des hommes et des femmes portant des gilets et des casques de sécurité s’affairent à tout reconstruire. Encensement du travail des compagnons et de cette foule de professionnels qui s’affaire autour de la blessée. Un peu de mal à croire, tout de même, que le chantier sera terminé en 2024. Mais une vibrante envie d’y croire.

Quand nous retirons nos casques de réalité virtuelle, nous jetons un œil à la salle où naviguent encore les autres visiteurs. La magie n’opère plus. Au contraire, chacun semble esseulé et ridiculement incapable d’entrer en relation les autres. Je préfère que la réalité virtuelle continue de rester une expérience anecdotique et que les humains continuent de se voir et de découvrir le monde avec leurs yeux.

Avant de partir, il ne faut pas rater l’exposition traditionnelle qui présente tous les métiers des artisans qui redonnent vie à Notre-Dame, le travail titanesque engagé sur le chantier, des chiffres tout en superlatifs et une magnifique maquette de l’édifice.

Le seul vrai bémol de cette expérience n’est pas anodin, c’est le prix. Plus de 30 euros pour les plein tarifs. Lors de la visite virtuelle, les personnages s’adressent à nous en tant que donateurs. Cette expérience de réalité virtuelle soutient vraisemblablement l’effort financier de reconstruction. Dommage tout de même que ce soit aussi cher.

Quand nous ressortons, la chaleur nous saisit. Les grappes de touristes sont toujours là, réfugiées sous les rangées d’arbres. Seuls quelques courageux qui ne craignent pas la chaleur profitent des gradins.

Nous jetons un dernier regard à Notre-Dame, elle nous semble désormais plus intime.