Le corset sous les paillettes

Ça s’est fait un peu vite au début du mois de février. Un poste à temps partiel, une durée déterminée. Quelques jours par semaine à l’administration du théâtre. Contrats, payes… ballet incessant des intermittents qui caracolent entre les spectacles des trois lieux de L’Azimut. La découverte d’une nouvelle facette de cette organisation pour laquelle je travaille depuis bientôt quatre ans. Je connaissais les coulisses du théâtre d’Antony. J’apprends les contraintes légales et administratives, armatures souterraines du spectacle vivant. Le corset sous les paillettes.

J’ai retrouvé le chemin du bureau, les horaires de bureau, l’ordinateur et ses deux écrans, les déjeuners avec les collègues, les tickets restau, les pannes informatiques, les contraintes incompressibles. Je me suis adaptée à de nouveaux logiciels. A des tâches dont j’ignorais tout. J’ai gaffé, désespéré, recommencé, tâtonné. J’ai avancé.

Un gros changement de rythme après six années suspendues à l’état d’Églantine. Une bouffée d’air dans un cadre réjouissant. Un bureau lumineux dont les plantes vertes et la terrasse ont des airs de villégiature. Un bâtiment baigné de lumières douces et chatoyantes, aux lignes graphiques, sur lequel a travaillé un cousin alors qu’il débutait sa carrière d’architecte.

Même si je connaissais les équipes du théâtre, je les découvre autrement. Une énergie foisonnante se dégage de ces lieux. Une volonté créative malgré la charge permanente pour faire vivre tout ça, les immanquables désenchantements, l’équilibre économique suspendu aux subventions, les incompréhensions et les contestations, la pression du taux de remplissage, les enjeux vitaux de la programmation.

J’ai la chance de reprendre une activité professionnelle plus soutenue dans ce cadre exceptionnel, à proximité de la maison, dans une activité qui a du sens. Peu importe alors qu’il soit déstabilisant de repartir de zéro dans un domaine parfaitement inconnu et que mon contrat s’assèchera dans la chaleur de l’été. Je me réjouis d’être un renfort de ce corset sous les paillettes.

Efflorescence du confort

Il y a deux ans, le théâtre d’Antony ouvrait ses portes toutes neuves. Dans ses sous-sols, quatre loges et deux foyers à peine meublés. Quelques tables, des chaises, des piles d’assiettes et de verres à pied posées sur les longs plans de travail. Aucun meuble pour les ranger. Deux micro-ondes dans le foyer Avignon, celui des équipes techniques, un dans le foyer Bussang, celui des artistes.

L’habilleuse avait immédiatement habillé les lieux. Les tables avaient été recouvertes de toiles cirées aux couleurs végétales, motifs géométriques et modernes, loin des fleurettes de grand-mère. Un jour, deux vieux fauteuils rouge et noir, on dit vintage, sont arrivés. L’assise mériterait d’être refaite mais, tout de suite, ça donnait un aspect plus cosy au lieu. Une table basse a complété l’ensemble. Puis les techniciens ont construit des meubles avec du bois de palette. Un petit canapé. Un meuble pour poser les enceintes. La musique c’est important pour l’ambiance.

Et l’habilleuse continua d’habiller. Des coussins, des petits rideaux pour cacher le vide sous les éviers. De gros frigos orange au look diner seventies ont apporté une touche de chaleur et de lumière dans chacun des foyers. Chacun y range ses petites provisions. Un jeu de fléchettes est apparu sur un mur. Des autocollants fleurissent discrètement au-dessus des portes, dans les coins puis sur la série de casiers métalliques installés plus tardivement.

Un canapé, vintage aussi, joli mot pour cacher les tâches sur le tissu. Le théâtre a fait le choix de la seconde main dans une volonté d’économie circulaire. Les meubles changent parfois de configuration. Jusqu’à trouver la bonne. L’ensemble donne un lieu chaleureux et vivant alors que les locaux neufs manquaient un peu d’âme à l’origine. Surtout dans ce sous-sol sans fenêtre.

Dans les loges, des chaises de velours moutarde ont été installées devant les grands miroirs entourés de grosses ampoules. Des fauteuils et des canapés de velours bleu canard, convertibles, pour les artistes qui veulent se reposer. Petit à petit, de récup en achats, de première ou de seconde main, en passant par un peu de bricolage, le sous-sol du théâtre fleurit comme un cerisier au printemps. Le confort s’améliore, se répand, s’épanouit.

Alors que je reviens après deux mois d’absence, le dernier meuble en bois de palette a disparu du foyer des techniciens. Désormais, les enceintes sont posées sur un meuble télé en métal et verre. Un truc froid et sans âme. Dommmage. Heureusement, il reste les livres posés sur les étagères du bas. Un guide de la Bretagne. Quelques livrets de Phèdre !, deux programmes de la saison passée, des sous-bocks en carton, des flyers, des marques-pages, des câbles de toute sorte et des serres livres en bois sombre, deux visages sculptés d’inspiration africaine. Et un petit ambour récupéré un jour par un technicien, abandonné sur un trottoir.

Chacun amène sa touche de couleur. Son objet qui lui donne l’impression d’être un peu chez lui. Quand les heures de travail s’enchaînent, qu’il faut monter, démonter, ajuster sans cesse, le foyer est l’endroit où se détendre, reprendre des forces, se reposer.

Pendant un temps, on y trouvait même un paquet de croquettes pour chat. Chaque lieu a ses mystères…

Brume matinale

8h du matin. Un dimanche au parc de Sceaux. Fin d’été. Les feuilles mortes craquent sous les roues de mon vélo. Seul.es quelques coureur.euses animent les allées dans la fraîcheur des platanes. En arrivant aux loges des artistes de la compagnie XY, mon regard est happé par la brume vaporeuse qui habille la grande plaine où aura lieu le spectacle. Le soleil matinal diffuse un atmosphère moelleuse dans laquelle se noient les installations du théâtre.

Dans mon dos, soudain, un bruissement, un froissement. Deux écureuils se poursuivent bruyamment dans un grand Séquoia. Leurs fourrures rousses tournent autour du tronc puis disparaissent dans les hautes branches.

Saisir l’émerveillement.

Quelques minutes plus tard, la brume sera dissipée. Les techniciens termineront les installations. Les premiers spectateurs arriveront pour profiter du spectacle offert par les vingt-quatre acrobates, peaux bronzées, corps musclés, costumes noirs. Une Nuée acrobatique qui traversera la grande plaine en figures silencieuses avant d’attiser la scène sur les rythmes baroques de Rameau et Lully puis de s’approprier le gué traversant le canal dans d’amples éclaboussures. Cavalcades scandées de voltiges virtuoses, tableaux poétiques au son de l’eau qui gicle.

J’ai trouvé cette vidéo pour vous donner une idée. A imaginer au coeur d’un parc à la française et dans l’eau de son canal.

Faire une escale avec Mario Kart

Team-building. Au théâtre L’Azimut, on parle d’escale. Un dernier arrêt avant la bouquet final de la saison, le festival Solstice. L’occasion de rassembler les équipes, de souder tout le monde, régie, production, direction, communication, programmation, de ravitailler le groupe en solidarité, bienveillance et envie de construire quelque chose ensemble. Car il faut de l’envie pour réussir à donner vie à trois lieux culturels sur deux villes année après année. J’y apporte la plus modeste des contributions depuis deux ans avec mes quelques heures par mois.

J’aime cette escale qui me permet de connaître celles et ceux que je côtoie rarement. Je n’aime pas, par contre, découvrir l’activité proposée à la dernière minute. Je préfèrerais savoir à l’avance ce qui m’attend. Même si je ne suis pas certaine que le karting m’aurait plus motivé que l’escape game l’année dernière. Tourner en rond sur des moteurs avec quatre roues au ras du bitume en consommant une quantité ahurissante d’essence, pas certaine que j’en eus réellement rêvé.

Pourtant, cette année encore, je me suis trompée. Tout comme l’escape game avait été très réjouissant car organisé autour des cinq sens, coopératif et drôle, ce karting n’avait rien de classique.

Ça commençait pourtant mal.

Un trajet en RER alors que le thermomètre s’emballe. Le GPS m’annonçait plus de deux heures à vélo. J’ai longtemps hésité mais j’ai choisi de ne pas cumuler presque cinq heures de vélo dans la journée, 70 km aller-retour, avec une activité potentiellement fatigante. Mauvais choix, j’aurais préféré revenir en prenant l’air plutôt qu’enfermée dans la promiscuité poissarde d’une rame de RER.

Un parc d’exposition sans charme écrasé de soleil. Des entrepôts posés les un à côté des autres et une verdure misérable parsemée au milieu de l’asphalte.

Tout ça pour aller faire du karting.

Mais, déjà, il y avait l’effet Azimut. Le trajet en RER à papoter joyeusement. Les retrouvailles avec l’ensemble des l’équipe, lunettes de soleil sur le nez, le plaisir de ne rien avoir à organiser et de se laisser guider.

Et puis, ce n’était pas un karting classique mais un karting électrique. Nous avons poussé la porte d’un des entrepôts. La salle était plongée dans une épaisse pénombre d’où montait des lumières vives : la piste ultra colorée, les voitures éclairées comme des vaisseaux spéciaux, le bar à la lumière chaude et rassurante. Tout rappelait l’univers de Mario Kart.

On nous a présenté le fonctionnement de la voiture. Accélérateur pied droit. Frein pied gauche. Quatre boutons sur le volant dont deux réellement utiles. Le bleu pour la marche arrière. Le jaune pour envoyer ses bonus sur les autres joueurs et les ralentir – nitro, fusée, huile, bouclier pour se défendre. Comme un Mario Kart grandeur nature. C’est un karting électrique en réalité augmentée. Fabuleux !

On enchaîne une course style Mario Kart, une bataille style Snake.io – il faut attraper le maximum de pastilles colorés pour avoir une queue de plus en plus longue, que l’on perd si on coupe celle d’un autre joueur – et une bataille de couleur – colorer un maximum de cases avec sa propre couleur en roulant simplement dessus. On termine par une dernière course.

Je ne joue jamais à Mario Kart et à Snake.io. Il me faut un peu de temps pour assimiler les règles. Je me concentre sur ma conduite et pilant mon bouton jaune dès que j’ai quelqu’un en face de moi. Il ne sera pas dit que je ne me serais pas battue. Ma défaite sera honorable. Je m’amuse énormément. La pédale de frein ne sert à rien. Je prends les virages à fond. Je maîtrise mon volant. Je me sens pilote de Formule Un. Je ne regarde pas l’écran sur lequel s’affichent le classement et le nom de ceux qui m’attaquent.

Pour le serpent, je pige rapidement qu’il vaut mieux prendre son temps pour grandir en toute sécurité et engranger les points contrairement aux rageux qui accélèrent frénétiquement pour attraper plus de pastilles colorées sur la piste.

Nous sommes plus de trente. Nous passons par groupes d’une dizaine de personnes. Deux passages chacun. Je me débrouille bien. Deuxième ex-æquo puis première ex-æquo.

Puis le responsable du lieu annonce le classement final. J’emporte la première marche du podium ! Au grand dam de certains compétiteurs déjà persuadés de leur victoire, l’attendant impatiemment. L’air de rien, tranquillement, c’est moi qui ai remporté le plus de points. Une belle surprise.

D’un autre côté, je sais tenir un volant et le vélo en région parisienne, ça entraîne à faire attention à ce qui nous entoure sur la route. Surtout, je reste persuadée que ma patience au jeu du serpent m’a rapporté beaucoup de points.

Une grande envie d’y retourner avec Olivier et les filles…

Passerelle culturelle

Quand il n’y a pas de public, je peux garer mon vélo à l’intérieur du théâtre. Je rentre par l’arrière, à cet endroit que les techniciens appellent le quai. Parce que c’est là que les troupes déchargent puis rechargent leur matériel. Un immense monte-charge descend jusque dans le grand espace de stockage des décors derrière le plateau. Comme la rue est en pente, le quai est à la hauteur de la passerelle au-dessus de la salle.

Plan en coupe du théâtre
provenant du site de le ville

L’entrée du théâtre se trouve de l’autre côté. En bas de la grande façade de baies vitrées sur trois étages qui donne sur un parvis très minéral. Pourquoi avoir coupé, pendant les travaux, les arbres qui auraient pu rafraîchir et donner de la vie à cet espace ? C’est un autre sujet.

Je pose mon vélo contre la rambarde qui sépare la passerelle des cintres, l’endroit où sont suspendus les décors et répartis les éclairages. Cette coursive est le moyen le plus simple de relier l’arrière et l’avant du théâtre. Je l’emprunte souvent. J’aime regarder le plateau depuis les cintres, découvrir les décors, les accessoires, la disposition de la salle – les gradins sont mobiles et peuvent être disposés face-à-face en bi, tri ou quadri-frontal. De là, j’aperçois généralement l’équipe technique, tout habillée de noir, qui s’active pour installer les derniers accessoires ou terminer de régler le son et la lumière. Un jour, je vous les présenterai. Les lendemains de spectacle, ils terminent de démonter, de replier et de stocker le matériel. Faire, défaire, refaire et ainsi de suite, des heures, des jours de travail. De longues périodes sans beaucoup de sommeil.

Le plateau est vide quand je passe au théâtre cet après-midi. Enfin vide… A cet instant, tous les régisseurs sont dans le foyer au sous-sol et les musiciens ne sont pas encore arrivés. Mais la scène, elle, est déjà peuplée des chaises et gros instruments savamment disposés pour le concert du jour. Brouhaha silencieux des pupitres qui attendent les musiciens pour briller.

Finalement, je trouve au dernier étage, dans la salle de répétition, un violoniste qui exerce son instrument. Il profite d’être encore seul. Ce soir, quatre-vingt musiciens sont attendus. Le théâtre accueille l’orchestre Colonne. Rien à voir avec les larges supports de pierre cylindriques des temples grecs. Le nom lui a été donné par son fondateur en 1873, Edouard Colonne. C’est donc l’un des plus anciens orchestres de France. A Paris, une petite rue porte le nom du créateur de cette formation. Elle longe le théâtre du Châtelet où s’installât l’orchestre à sa création.

Et voilà comment, même sans aller voir le concert – envie de rester tranquille à la maison – mon petit boulot au théâtre me fait découvrir des univers que je ne connais pas, ou peu, ou mal. Une passerelle culturelle perpétuelle.


Pour en savoir plus sur Edouard Colonne et son orchestre éponyme, on file sur Radio France :

Les Concerts Colonne ont 150 ans ! (1/3) : Edouard Colonne, Gabriel Pierné et Paul Paray

Les Concerts Colonne ont 150 ans ! (2/3) : Pierre Dervaux

Les Concerts Colonne ont 150 ans ! (3/3) : Laurent Petitgirard et quelques chefs invités

Edouard Colonne, la passion de la jeune musique

Sous le soleil du théâtre

Dans le foyer Avignon du théâtre en ce lundi matin, les techniciens prennent leur café. Ambiance joyeuse avant d’entamer le démontage des immenses rideaux noirs qui ont servi d’écrin aux marionnettes de La petite casserole d’Anatole. Il faut ranger le plateau en vue du prochain spectacle, Sentinelles, de Jean-François Sivadier. L’histoire de trois pianistes. Une pièce qui interroge sur le rapport à l’art en général, à la musique en particulier et à l’amitié. Deux représentations. Mercredi et jeudi.

Mais je n’en verrai aucune car cette semaine est consacrée aux Petites Cantines. Réunion de travail mardi soir, soirée des lauréats du budget participatif écologique et solidaire d’Île-de-France mercredi et apéro info jeudi, au bar du théâtre, justement pendant la pièce.

Revenons au foyer ce matin. Des bises, des checks et des chouquettes. Les nouvelles s’échangent, les sourires sont généreux, les blagues fusent et les rires se chevauchent jusqu’au moment où tout le monde s’éparpille. Je range le foyer Bussang. Celui des artistes. Les marionnettistes ont été très discrets. Pas de bazar. Je termine rapidement.

Puis je monte m’installer au bar. En dehors des spectacles, il n’est pas ouvert au public. Les équipes de l’Azimut, quand elles quittent leur QG de la Piscine (l’un des trois sites de l’Azimut), s’y installent là pour travailler. Ce matin, j’espérais bien trouver un petit coin pour avancer sur les Petites Cantines avant d’aller bosser avec Hélène. Aucune envie de repasser par la maison.

La chance m’a sourit autant que le soleil qui inondait les tables à travers la grande baie vitrée. Personne au bar. J’ai branché mon ordinateur, sorti mes dossiers et me suis mise au travail. C’était parfait. Par-dessus les toitures basses de la vieille ville, le clocher procurait une sensation de village paisible.

A 11h, j’ai replié mes affaires, traversé le plateau par la passerelle, récupéré mon vélo près du quai de chargement et je suis partie sous le regard bienveillant du régisseur qui donnait ses instructions à deux intermittents.

Travailler au théâtre m’ouvre décidément des horizons nouveaux.

Changements d’éclairage

Il en est de l’écriture comme de la photographie ou une peinture de Monnet, la lumière est fugace, l’impression évanescente. Un instant, la lumière filtre à travers les pétales d’une rose et le célèbre poème de Ronsard résonne à mes oreilles. Mignonne, allons voir si la rose...

La minute suivante, un gris maussade écrase les cœurs, éteint les élans, étouffe l’émerveillement.

Si j’écris en regardant la rose dans les raies du soleil, mes mots seront aussi sucrés qu’un loukoum.

Pourtant, si je choisis ce moment où je viens de lire une offre d’emploi qui me fait vibrer alors que je sais que je ne peux pas y répondre, mes mots seront du lait noir.

Travailler n’est pas synonyme d’avoir un emploi. J’ai un emploi. Quelques heures par mois au théâtre de la ville où je suis chargée d’accueillir les artistes. C’est une activité certes rémunérée, mais sans grande envergure. C’est d’ailleurs pour cette raison que cet emploi me convient actuellement très bien. Pas de pression, une très grande souplesse, la rencontre de nouveaux horizons, ceux du théâtre, et l’opportunité de découvrir de nombreux spectacles. La chance, aussi, d’ouvrir le monde des arts vivants à mes filles que j’emmène régulièrement au théâtre.

Mon travail principal, cependant, n’est pas rémunéré. C’est du bénévolat. Un engagement gratuit et volontaire. Je suis co-porteuse de projet des Petites Cantines Antony. Donner, c’est aussi recevoir. Un poncif qui garde pourtant toute sa force pour qui s’embarque dans ce genre d’aventure. Notre objectif est d’ouvrir un lieu où créer des liens de proximité et de qualité entre les habitants grâce à la cuisine participative et aux repas partagés. Mobilisation de communauté. Recherche de financement. Et prospection immobilière pour trouver un local. Passionnant, prenant, désespérant, galvanisant, questionnant, épuisant, énergisant. Beaucoup d’émotions diverses, voire contraires, dans ce projet collectif. Et toujours ce critère indispensable, beaucoup de souplesse.

La souplesse, qualité nécessaire pour accompagner au mieux les progrès d’Eglantine dans l’expérience des limites de son corps qui se fatigue tellement vite. La souplesse, impératif permanent des aidants, cette armée de l’ombre qui soutient celles et ceux qui ont besoin d’un appui pour vivre.

Or, la souplesse n’est pas la caractéristique première d’une grande entreprise qui cherche un/une responsable éditorial-e à temps plein. Ni de celle qui emploie mon ingénieur de mari.

J’ai refermé la fenêtre de l’annonce. Trop tôt.

Heureusement, j’ai la chance d’avoir des amies avec qui parler de cette frustration passagère. Surtout, le sujet n’est pas tabou au sein de cette famille qui me prend tant de temps mais qui m’apporte aussi tant de ravissement. Ce que nous construisons ensemble, tous les quatre, est puissant. Malgré les disputes, les incompréhensions et les dissensions. Malgré, donc, toutes les nuances du désaccord, nous réussissons à nous écouter, nous respecter, nous stimuler, nous protéger, nous encourager, sans nous oublier.

Hortense s’épanouit sereinement. Eglantine se stabilise tranquillement. J’écris tous les jours dans ce blog. Et Olivier trouve le temps de prendre soin de lui en dehors du stress de son boulot.

Alors que je termine ce texte, la nuit est tombée. Mes mots ont la douceur d’un feu de cheminée et Kolinga chante Petit homme. Encore un nouvel éclairage…

Raconte-moi l’amour
Je veux le vivre peu importe le coût
De tes calculs je me fous en somme
C’est l’infini le rendez-vous
Arrête-toi, petit homme
Arrête-toi, petit homme
Arrête ta course folle
Tu ne doubleras personne