Blanc nuit, couleur jour

Jeux de couleurs dans la froideur de l’automne.

Quand le froid mord la moindre chair découverte, on accumule les couches comme des oignons. On ressort les chaussettes en laine et les bouillotes, les écharpes et les gros plaids. Et on se terre dans la chaleur douillette de la maison avec une tasse de thé.

L’ado, elle, ne craint pas les morsures glaciaires. Surtout quand il s’agit de rejoindre ses amis à une énième fête d’anniversaire. Pull chaud et pantalon fluide par-dessus la petite robe noire, autant pour se protéger des températures polaires que des regards masculins, elle s’engouffre prestement dans la maison amie avec les silhouettes tièdes des autres ados.

Je m’endors sur le canapé en attendant l’heure d’aller la chercher. Le réveil me cueille à l’heure où tombent les premiers flocons, épais et scintillants dans la lumière des réverbères. La neige nappe les rues d’un silence mat. Tel un navire brise-glace, la voiture navigue dans la nuit devenue plus épaisse. Les flocons déferlent dans la lueur des phares, s’obstinent sous les balais des essuie-glaces.

Emmitouflée dans ma doudoune, j’ai reculé le siège pour lire en attendant ma passagère. Je ne retire mes gants que pour tourner les pages. Déjà, mes orteils se refroidissent. Une pellicule blanche noie la voiture. Je distingue à peine les ombres encapuchonnées qui sortent de la maison en riant. L’une d’elle ouvre la portière. Elle est rayonnante. La neige ajoute une pincée de magie à cette belle soirée.

Quand tout le monde est couché, mon regard se pose sur le silence ouaté du jardin. Aucune empreinte ne vient perturber le moelleux immaculé de la nuit. La neige m’hypnotise.

Au petit matin, seules quelques cendres blanches sont encore accrochées dans l’herbe ou sur les toits. La grisaille urbaine brille mollement dans les flaques de l’asphalte. L’agressivité du froid a été remplacée par l’infusion perfide de l’humidité.

Heureusement, le marché ravive les couleurs de nos cœurs. Le rose vif des radis, les camaïeux oranges des courges, jusqu’aux blettes qui déclinent toutes les nuances de rouge. La couleur, c’est mon moteur, ma pompe à chaleur.

Le réalisme magique de la montagne

La montagne est devenue un rituel de nos étés. Nature et partage. Douceur de vivre et récompense après l’effort donnent une autre saveur aux vacances.

Septembre commence dans le clapotis des ondées alors que la chaleur a étouffé l’été tel un boa acharné sur sa proie. Nous, nous nous sommes évadés auprès des edelweiss, picorant myrtilles et framboises au bord des chemins, les cailloux roulant sous nos pieds – ou inversement –. Nos regards enjambaient les vallées, gambadaient de sommet en sommet, s’accrochaient aux ailes colorées des papillons, aux voiles gonflées des parapentes, au vol silencieux d’un planeur.

Le cœur qui bat fort, les muscles qui tirent, les poumons qui s’essoufflent. Et là-haut cet air frais, s’enrouler dans la polaire, casser la coquille d’un œuf dur, laisser couler le jus d’une pêche entre ses doigts. Murmure d’un ruisseau, scintillement d’un lac, tumulte d’une cascade sous l’azur où courent quelques filaments nuageux.

Le sifflement d’une marmotte et nos yeux fouillent la montagne. On s’arrête un instant. La tête dressée guette le moindre mouvement, disparaissant dans le sol si le danger se rapproche.

En haut de la montagne, une navigatrice a troqué son bateau pour saisir l’écume des montagnes. Peindre à l’encre de chine avec les plantes des alpages. Imprimer le brisant d’une crête dans la brume matinale. Elle accueille nos gestes hésitants dans un sourire bienveillant et partage cet art de la sérigraphie qu’elle maîtrise avec douceur.

On croque des croquants, on savoure des glaces au pied des glaciers fondus, on découvre le goût de la livèche et on retrouve celui de la reine des prés. On dîne dans des gastros. On partage des apéros. Les assiettes se multiplient autour de la table. On chante des histoires de champignons. On joue à mimer un nénuphar.

Les soirées s’étirent alors que le soleil se couche. Puis la lune se lève et les ombres escarpées accueillent nos rêveries silencieuses. Enfin, les brumes matinales estompent nos indécisions. Dans la lumière ardente, les cimes dentelées sont les mâchoires redoutables d’animaux fantastiques. Que ressent le krill face à la baleine ?

Voici le temps de tes vingt ans

20 fêtes pour les 20 ans d’Eglantine. La surprise organisée par sa chorale est un condensé d’émotions.

Début juin, Eglantine a eu vingt ans.

L’âge de tous les possibles. Premier appart (même si c’est dans une résidence du CROUS sur son campus). Premiers choix décisifs. Tian de légumes ou tarte à la tomate pour dîner ? Plus sérieusement, elle réfléchit déjà à son envie d’entreprendre une thèse et commence à sortir le sujet du flou des possibles. Elle a encore le temps pour éclaircir tout ça, mais l’idée est là.  

Eglantine a eu vingt ans et nous n’avons pas organisé de grosse fête. Elle était en stage. Donc très fatiguée. Puis sa sœur partait à son tour faire un stage, à l’étranger, puis en vacances, puis en camp scout. Trouver une date, avec tout le monde, à un moment où Eglantine ne serait pas trop fatiguée, s’annonçait compliqué. Nous avons donc choisi une autre formule (copiée parmi les excellentes idées de notre ami Henri).

Vingt fêtes pour les vingt ans.

Un an pour vingt éclats de joie, vingt confettis de célébrations.

Un an de fêtes en pointillés en fonction des disponibilités de chacun. Un anniversaire au long court plutôt qu’un gros raout.

Avec la famille. Avec les amis de toujours. Avec les amis d’aujourd’hui. A la maison, à la fac, au restau, ou en tournée.

Car si Eglantine s’épanouie dans sa nouvelle vie d’étudiante, une rencontre a plus particulièrement marqué cette année, sa chorale. Elle les a rejoint à la fin du mois d’avril. Ce fût comme une évidence, une pièce de puzzle qui s’emboîte parfaitement. Elle y a immédiatement trouvé sa place. Et n’a pas hésité une seconde à partir en tournée avec eux en juillet au lieu de faire la véloscénie avec sa mère comme prévu (Paris-Le mont Saint-Michel à vélo).

Cette chorale est celle de son campus. Une bande d’étudiants (plutôt des doctorants), d’enseignants et de chercheurs. Un gang de joyeux scientifiques qui aiment chanter et rire, et dont le principal méfait consiste à détourner des chansons.

Comme Eglantine, cette chorale a vingt ans. Alors, quand je leur ai écrit pour leur demander de participer aux vingt anniversaires d’Eglantine, ils ont rajouté deux couplets à la chanson qu’ils travaillaient en secret pour leur chef de chœur.

Samedi soir, elle a chanté la chanson des vingt ans avec les autres. Une guitare, une trentaine de chanteurs, une terrasse éclairée de guirlandes d’ampoules, la surprise enjouée du chef de chœur et, à la fin du dernier couplet, un signe de tête, une main levée, la chanson continue.

On a eu la vidéo de l’émotion d’Eglantine quand elle découvre que ces derniers couplets sont pour elle. Elle est touchante notre louloute de vingt ans. Elle est heureuse. Elle trace sa route sans nous. Pas trop loin de nous quand même, après toutes ces années à galérer ensemble, il faut nous ménager, nous rassurer.

D’ailleurs, trop heureux de la voir à nouveau chanter, nous avons suivi sa chorale en Bretagne. Un week-end en amoureux dans la forêt de Brocéliande pour notre anniversaire de mariage (mais nos vingt ans à nous, ce sera l’année prochaine). Et un concert d’Eglantine dimanche, entre une fontaine magique et un miroir aux fées.

On nous a discrètement prévenu avant le début du concert, si on veut filmer, c’est à la fin. C’est une surprise. Eglantine n’est pas au courant. D’ailleurs, elle s’est échappée discrètement après ce qu’elle pensait être la dernière chanson, pour tenir le chapeau à la sortie de l’église.

Elle a dû revenir. Regardez.

J’ai coupé les images. Parce que contrôle par Eglantine de son identité numérique, parce que j’évite de diffuser le visage de mes filles. Mais vous avez l’ambiance et les paroles. Et le bonheur qui transpire dans cette petite église bretonne sous la chaleur écrasante de juillet.

Je ne m’en lasse pas.

Puis nous sommes repartis chacun de notre côté. La chorale, c’est son domaine, sa vie, sans nous. C’est nouveau, pour nous, de rester à l’écart. C’est normal pourtant. Eglantine a vingt ans. C’est beau, de voir qu’elle n’a plus besoin de nous (plus beaucoup en tout cas).

Mais je regarde la vidéo en boucle.

Insouciance nocturne

Douceur d’une nuit de printemps charmée par l’atmosphère de joyeuse fantaisie d’un spectacle de cirque.

Que les nuits de printemps peuvent être douces. Mon vélo file dans l’ombre dorée des rues désertes. Je viens de quitter l’Espace Cirque, l’orbe lumineux du chapiteau, les mélodies partagées autour d’une bière entre les derniers éclats du public, les équipes de l’Azimut, les techniciens et les artistes. Les accents qui se mélangent, chatoiements musicaux du sud et flâneries voyageuses de l’au-delà des frontières.

On a cherché les paroles sur les téléphones. Le guitariste a accompagné les belles voies, les fausses notes, les envolées enthousiastes, les hésitations marmonnées. La tessiture veloutée de la chanteuse s’est tue peu à peu. Le karaoké improvisé a remplacé le concert de Sarah et les keurs sauvages. Sfumato musical sous les guirlandes lumineuses.

Olivier et Églantine sont rentrés après le spectacle du cirque Aïtal, A ciel ouvert. Un cirque sans chapiteau. Les gradins sont répartis dans des caravanes pleines de surprises. Campement nomade dont le cercle délimite la piste. Cercle poreux puisque le jeu est permanent entre intérieur et extérieur.

Les portes des roulottes sont autant de passages secrets vers un imaginaire foisonnant. On y croise des poules et des canards, des cuivres de toutes les tailles, une contrebasse, un violon et autres accessoires insolites. Des palombes s’envolent tout comme cette acrobate aux muscles fermes et aux lignes délicates qui s’élève jusqu’au ciel, légère comme une plume, fière comme la liberté, envoutante, drôle, souveraine.

Elle est aussi menue que son partenaire est colossal. Géant aux boucles brunes, barbe broussailleuse. Ses jambes sont des colonnes doriques, ses bras des grues puissantes. Et pourtant… c’est de la douceur qu’il susurre aux oiseaux,  de la légèreté lorsqu’il s’échappe vers le ciel, se métamorphosant en nuées de plumes virevoltantes.

Duo tout en équilibre poétique et fantaisiste. Entouré de personnages loufoques, musiciens autant qu’acrobates, diffusant une atmosphère suspendue entre ciel et terre, merveilleux et prosaïque.

Mon vélo file dans la nuit et dans ma tête vibrent encore ces étoiles de bonheur. A la maison, des scouts se sont installés dans le jardin. Hortense les a rejoint après sa séance de plongée. Murmures de voix sous le bruissement des arbres.

Insouciance nocturne qui absorbe les contrariétés de la semaine. Magie de ces vies qui se croisent et se réchauffent. Dans une maison de famille, sous un chapiteau, une roulotte, une toile de tente ou la voûte céleste.

Guitare buissonnière

Un jardin, deux guitares. La mélodie du bonheur.

Cèdre, sureaux, pruniers, noisetiers et arbre de Judée étendent le bruissement de leur ombre sur la chaleur indolente du jardin. Jaafar et Hortense s’installent au cœur de la brise printanière. Les mélodies de leurs guitares se joignent aux babils, pépiements et autres chants d’oiseaux. La musique emplit l’air, s’envole en volutes pincées et accords caressés. Je jette un œil par la fenêtre ouverte et sourit du bonheur simple qui vibre dans les cordes, résonne dans la douceur du bois vernis.

Peinture sur iPad

Douce légèreté du 1er mai

Nonchalance ensoleillée d’un 1er mai à l’ombre du jardin.

C’est une journée où l’heure n’existe plus. Le soleil inonde la maison. On traîne dans le jardin. Le temps s’écoule dans une lenteur bonasse. 

Les boulangeries sont fermées mais le marché foisonne de couleurs printanières. Le long des trottoirs ou entre deux étals, les marchands de muguet proposent leurs clochettes blanches serties de longues feuilles vertes. Ail rose. Céladon velouté des cosses de petits pois. Blettes originales aux camaïeux de jaunes orangés. Trames rouge et verte de la rhubarbe. Fraises écarlates.

Écheveau de blettes colorées

Glycines et lilas embaument les rues sucrées de soleil. Les robes sont légères. Les pieds déploient leurs orteils dans les sandales estivales précipitamment ressorties. Lunettes noires. Chapeaux de paille. La pâleur des peaux se dévoile, avide du premier hâle.

Barbecue. Déjeuner au soleil. Se balancer dans les hamacs sous une pluie de pétales. L’arbre de Judée quitte sa robe de fleurs. Son rose vif s’estompe dans des pastels mats clairsemés de feuilles. Le vent divague dans les feuillages. Les ombres dansent sur l’indolence des chats. Un rouge-gorge virevolte dans un noisetier. Le chien s’étire dans la pelouse flétrie par la chaleur soudaine. Le muguet a fleuri sous l’églantier.

Nous nous abandonnons à la légèreté insouciante d’un 1er mai qui s’étire doucement jusque dans la tiédeur de la nuit.

Immersion égyptienne

Hortense est revenue d’Égypte chargée de souvenirs colorés, à nageoires ou écailles, au goût de soleil et de sel.

Lumière pâle du petit matin. Le tube de Biafine est posé sur la table du salon. Le gros sac de plongée est éventré un peu plus loin. En sortent pêle-mêle des palmes bleu et noir, le néoprène épais de la combinaison de plongée et une petite robe de plage en coton blanc ajouré. Reliefs du magnifique séjour en Egypte d’Hortense.

Elle est partie avec son club de plongée. Des moniteurs expérimentés qui la connaissent depuis quatre ans, l’ont vu grandir et l’accompagnent dans ses passages de niveaux. Plongeur Bronze, Or, Niveau 1, PE40 (plongeur encadré 40 mètre) et la poussent pour qu’elle obtienne son Niveau 2 dès qu’elle aura 16 ans. L’âge minimum.

Pour elle, ça signifie beaucoup de calculs pour apprendre à plonger en autonomie (plein de maths !), préparer elle-même son brief, savoir gérer les paliers de décompressions. Les ordinateurs de plongée calculent désormais tout cela automatiquement. Mais on exige des plongeurs qu’ils comprennent ce que fait l’ordinateur. Pour Hortense, c’était donc des cours théoriques et des entraînements à l’examen tous les jours à 18h alors que les copains traînaient dans les hamacs.

Ils sont une bande de sept ado de 13 à 17 ans. Deux filles. La plongée reste encore beaucoup un sport de mecs. Mais ça s’ouvre. Le club d’Hortense, lui, compte de nombreuses femmes. Et quantité de jeunes puisqu’il est un des rares à les former dès l’âge de 8 ans. C’est majoritairement en famille que les plongeurs se sont retrouvés dans cet hôtel posé sur le sol aride du bord de la mer Rouge au nord de Marsa Alam.

Hortense a été adoptée le temps du séjour. Par Frédéric et Catherine pendant les trajets. Par Henri pour les plongées et par sa femme, Isabelle, quand la fatigue accumulée (enchaîner le FRAT et l’ Egypte, c’était intense) nécessitait du réconfort. Par Bernard le jour de la plongée « Familles ». L’occasion pour les parents et leurs enfants de plonger tous ensemble. Normalement, les palanquées sont constituées en fonction des niveaux.

J’ai cueilli Hortense à Roissy hier après-midi, glané quelques infos de Catherine et Frédéric avant de les déposer chez eux et butiné le téléphone d’Hortense pour découvrir les premières images de son séjour. Elle n’est pas équipée pour la photographie sous-marine. Mais d’autres plongeurs sont de véritables professionnels. Ces photos-là arriveront plus tard, après un petit travail d’édition. Heureusement, on peut compter sur les amateurs pour les clichés à chaud et quelques vidéos partagées sur leur groupe WhatsApp.

Hortense nous avait aussi envoyé quelques nouvelles pendant la semaine. En grandissant, elle apprend à prendre soin de ses parents… Le jour où elle a croisé des dauphins et des tortues, son enthousiasme était à son paroxysme. Frédéric m’a appris que c’est Hortense qui avait repéré ces gros reptiles marins. Je ne suis pas étonnée. Sous son allure désinvolte et son attention évanescente, elle a un sens de l’observation très aiguisé. Et une sensibilité délicate. Alors, comme les tortues, elle se protège d’une épaisse carapace.

Pour le moment, elle est plongée dans un profond sommeil réparateur. Une odeur de Monoï persiste devant sa chambre. Elle a posé un masque sur ses cheveux desséchés par le soleil et le sel avant de sombrer sous sa couette hier soir. Il y a des naufrages bienvenus.

Pinson du printemps

Quand le printemps résonne des chants d’un oiseau qui s’était tu depuis trop longtemps.

Le jardin déploie depuis des semaines ses pastels fleuris et ses verts vifs. Les oiseaux envahissent le bruissement tendre des feuillages. Mais il en est un en particulier que nous sommes heureux de réentendre. Églantine a récemment rejoint une chorale sur son campus. A la maison pour les vacances, son chant tintinnabule sous la douche, murmure dans sa chambre, glisse dans l’escalier, volette en attendant le dîner.

Pinson printanier, mélodie d’un renouveau attendu depuis des années.

De la Maîtrise de son collège, Églantine a gardé l’art de déchiffrer les partitions, l’enthousiasme des chants sacré, le plaisir de la vibration des voix qui s’unissent, se répondent, se chevauchent. Elle a rapidement trouvé sa place dans cette chorale, plaçant les aigus de sa voix fluette dans le battement vital du groupe.

Soleil matinal dans l’arbre de Judée

Le corset sous les paillettes

Ça s’est fait un peu vite au début du mois de février. Un poste à temps partiel, une durée déterminée. Quelques jours par semaine à l’administration du théâtre. Contrats, payes… ballet incessant des intermittents qui caracolent entre les spectacles des trois lieux de L’Azimut. La découverte d’une nouvelle facette de cette organisation pour laquelle je travaille depuis bientôt quatre ans. Je connaissais les coulisses du théâtre d’Antony. J’apprends les contraintes légales et administratives, armatures souterraines du spectacle vivant. Le corset sous les paillettes.

J’ai retrouvé le chemin du bureau, les horaires de bureau, l’ordinateur et ses deux écrans, les déjeuners avec les collègues, les tickets restau, les pannes informatiques, les contraintes incompressibles. Je me suis adaptée à de nouveaux logiciels. A des tâches dont j’ignorais tout. J’ai gaffé, désespéré, recommencé, tâtonné. J’ai avancé.

Un gros changement de rythme après six années suspendues à l’état d’Églantine. Une bouffée d’air dans un cadre réjouissant. Un bureau lumineux dont les plantes vertes et la terrasse ont des airs de villégiature. Un bâtiment baigné de lumières douces et chatoyantes, aux lignes graphiques, sur lequel a travaillé un cousin alors qu’il débutait sa carrière d’architecte.

Même si je connaissais les équipes du théâtre, je les découvre autrement. Une énergie foisonnante se dégage de ces lieux. Une volonté créative malgré la charge permanente pour faire vivre tout ça, les immanquables désenchantements, l’équilibre économique suspendu aux subventions, les incompréhensions et les contestations, la pression du taux de remplissage, les enjeux vitaux de la programmation.

J’ai la chance de reprendre une activité professionnelle plus soutenue dans ce cadre exceptionnel, à proximité de la maison, dans une activité qui a du sens. Peu importe alors qu’il soit déstabilisant de repartir de zéro dans un domaine parfaitement inconnu et que mon contrat s’assèchera dans la chaleur de l’été. Je me réjouis d’être un renfort de ce corset sous les paillettes.

Retour de frateuse

Ils ont voyagé toute la nuit. Sept trains affrétés spécialement pour le FRAT. 13 500 jeunes d’Île-de-France réunis pendant quatre jours à Lourdes pour célébrer Jésus et Marie. Ce dernier aspect est certainement celui qui touche le moins Hortense.

Mais quelle joie que cet incroyable rassemblement pour elle qui n’aime rien tant que la vie de troupe avec les scouts. Partie samedi soir. Revenue aujourd’hui au petit matin. Vivre avec ses amis, dans une ferveur fébrile. Chanter ensemble. Danser ensemble. Rire ensemble. Vibrer ensemble. Accumuler les souvenirs.

Et revenir les yeux creusés, la voix cassée, la chemise froissée. Nous avons glané quelques instantanés, des photos, des vidéos, des anecdotes vite racontées. Mais dire, c’est mettre de la distance avec ce qu’elle vit. Elle a envie de rester dans cette humeur flottante qui prolonge les instants merveilleux.

Plonger dans un bain. Se couler sous la couette. La tête baignée de ces moments qui n’appartiennent qu’à elle.

Elle grandit tellement vite. Que j’aime la voir s’épanouir.

Le bonnet, signe de reconnaissance de leur groupe, en plus de la chemise et du foulard.