Qu’il est bon de voir arriver le week-end. Surtout quand rien n’est prévu. Le temps se détend, s’allonge, les minutes se prélassent. Alors on se dit que ce serait sympa de voir une amie, de discuter avec un copain, de partager un café, un goûter, un verre de vin. Et le temps s’entortille en rencontres heureuses, en discussions légères. Une discussion s’amorce sur un trottoir ou dans une boutique. On échange des nouvelles. Les enfants qui grandissent. La rentrée qui semble déjà loin.
Le week-end se termine trop vite. Plein de tout ce vide que l’on a garni des autres. De ceux qui nous font du bien. De ces sourires tranquilles. De ces mots bienveillants. Comme autant de confettis joyeux. Des bulles de savons dans un ciel d’été.
C’est beau, paisible et réconfortant. Assez en tout cas, pour avoir envie d’en garder une trace.
Les pinceaux prennent la poussière dans les pots en verre. Les feuilles de papier accueillent quelques toiles d’araignées. Sous l’escalier, des toiles se fossilisent alors que les tubes de peinture sédimentent dans un panier. Je n’ai rien peint depuis plus d’un an.
Toujours quelque chose d’autre à faire. Plus urgent. Plus utile. Plus opportun.
Toujours un prétexte pour ne pas toucher mes couleurs. Trop de désordre dans l’atelier (la pièce me sert de dépôt pour tout ce qui me dérange ailleurs). Trop d’idées noires qui bouchent le ciel de mes envies. Et, à quoi bon, de toute façon, dans une heure il faudra préparer le dîner.
Il n’y a pas pire frein que celui que l’on crée soi-même. Pas le moral ? Je me plonge dans un livre, un film ou une série. Je me réfugie dans les histoires des autres. L’effervescence de la rentrée me donne envie de me blottir dans une coquille insonorisée, ou m’enfuir dans les mondes parallèles de ceux qui savent raconter des histoires.
Une soirée à remplir les formulaires. Confirmer les noms, adresse et numéros de téléphones, réécrire les dates de vaccins. Une matinée à dépouiller tête et draps (aux scouts on partage tout), commander les cahiers d’exercices, couvrir les livres, acheter les derniers cahiers.
Et puis, une éclaircie. Un moment de presque vide, un flottement et ce besoin, intense, de créer, de quitter l’envie pour le concret. Je n’ai pas d’idée en tête. Je prends un carnet et un crayon. Mes crobars m’encouragent.
J’étale les couleurs primaires et un peu de blanc sur un palette. Une feuille de papier suffira pour cette reprise. Je retrouve les gestes. Le plaisir.
Reste maintenant à continuer. Ne pas s’arrêter. Sans autre enjeu que le calme de l’esprit. Comme lorsque j’écris la Tasse de Thé. S’autoriser à créer, à son échelle, dans un entresol encombré (mais qui a l’avantage de rester frais même en pleine canicule tardive). Juste pour le plaisir.
Il est loin le temps où elles partaient côte-à-côte, leurs gros cartables sur le dos, la grande et la petite, oscillant entre l’excitation de retrouver les ami.es et la crainte de l’inconnu que recèle chaque nouvelle année scolaire. Je les prenais en photo devant la maison. Parfois, Olivier pouvait faire un bout de chemin avec nous. J’ai une très belle image de cet immense papa accompagnant notre petite Eglantine sur le chemin de sa rentrée en sixième.
Ce matin, Eglantine a coiffé son casque, sorti son vélo du garage et glissé son sac dans la sacoche. Pantalon fluide à motifs bleu et blanc, blouse bleu marine sans manche et grosse ceinture de paille, elle est désormais majeure et n’a plus besoin qu’on lui tienne la main.
Hortense, elle, commençait les cours cet après-midi seulement. Je partais aujourd’hui dans le sud-ouest, alors elle a déjeuné chez une amie. Elle a choisi ses vêtements avec soin. Un jean et une blouse bleue et blanche aux larges manches fluides fermées sur le dessus par une série de nœuds. Les mèches rouges qui encadrent son visage depuis le début des vacances se sont estompées dans de doux reflets cuivrés. Elle a rempli son sac du matériel de base. Le même chaque année. A peine si nous complétons la trousse avec un nouveau surligneur.
Je les ai prises en photo. Pourtant, je n’aime pas ces pauses forcées à un moment où elles ont hâte de partir retrouver leurs camarades de classe. L’envie de me souvenir de ces dernières rentrées ? La fin du bac pour Eglantine, la fin du collège pour Hortense. Moments de nostalgie devant ces deux grandes et belles jeunes filles qui construisent leur vie délicatement, artistiquement, scientifiquement, joyeusement, facétieusement, concrètement et avec une richesse d’esprit qui fait rêver.