C’est notre quatrième année en France. Pourtant les filles ne situent toujours pas bien les plus grandes villes sur une carte (et encore moins les petites). A force de voyager en avion ou avec un GPS qui indique toujours la direction droit devant, elles ne se repèrent pas bien.
Je n’ai pris conscience de ce constat qu’à l’automne. Alors pour Noël, Petit Oiseau a reçu en clin d’œil une immense carte de France plastifiée (mais non, elle n’a pas eu que ça !). L’idée était de la dérouler sur le sol, puis de suivre du doigt nos trajets en France.
Ca peut sembler tordu. Et pourtant… Ce soir, elles ont bien joué en cherchant les villes que nous leur nommions. Étalées sur la carte, elles avaient Toulouse sous un pied ou Reims sous un coude. Le voyage les a beaucoup amusées. Mission réussie !
Quand Petit Chat se réveille au milieu de la nuit, il se rendort en quelques minutes avec un gros câlin de maman. Pour moi, c’est une autre histoire. Me voilà donc à feuilleter des magazines pendant que même la lune dort. Un petit encart en bas de page me fait alors découvrir deux jeunes sœurs qui dépoussièrent la musique classique, Camille et Julie Berthollet.
Leur dernier, et troisième, album s’appelle #3. Prononcez « hashtag trois ». On sent déjà deux personnalités qui ont grandi à l’ère du 2.0. Elles vivent dans leur époque. Mais vont piocher leurs morceaux dans tous les styles. Musiques tziganes, grands auteurs classiques comme Schubert ou Brahms, ou encore musiques de films, les titres semblent hétéroclites. Une cohérence joyeuse ressort pourtant de l’ensemble.
Mon casque sur les oreilles, mon iPhone à la main, j’enchaîne les podcasts et les vidéos sur YouTube pour en savoir plus sur ces musiciennes d’à peine 20 ans pour qui la vie semble un grand éclat de rire.
Elles jouent depuis l’âge de 3 et 4 ans. Julie, blonde, cheveux courts, l’aînée, est au violon. Camille, rousse, longue chevelure bouclée, est au violoncelle. Mais elles pratiquent chacune au moins trois instruments. Leur complicité est telle qu’elles n’ont pas besoin de paroles pour se comprendre. Notamment lorsqu’elles jouent ensemble, se cherchant sans cesse du regard.
Pourtant leur proximité n’est pas exclusive. Elles ont su intégrer dans leur duo deux pianistes, dont particulièrement Guillaume Vincent. Elles partagent avec lui la même jubilation face à la musique, faisant courir leurs cordes du jazz, au classique en passant par la musique du film Forest Gump.
Vous avez noté ? Julie, la blonde, n’est plus blonde. Elle a viré au roux pour une harmonie encore plus forte avec sa cadette. Parce qu’en plus de la musique, le look, ça compte pour elles !
Un océan d’amour est une BD de Lupano et Pannaccione. 224 pages de dessins sans aucune parole. Un pêcheur bigleux, une Bigoudène anachronique, des boîtes de sardines à l’huile, un petit bateau de pêche, une mouette écolo, et nous voilà embarqués sur l’Atlantique.
Un petit pêcheur se lève tous les matins avant l’aube. Une fois qu’il a chaussé ses grosses lunettes, il ressemble lui-même à un poisson.
Sa Bigoudène de femme, en tenue traditionnelle, coiffe comprise, lui prépare sa galette matinale et son panier à pique-nique. Comme d’habitude, elle y glisse avec amour une boîte de sardines à l’huile. Qu’il balancera avec les autres dans un coin de son bateau. Il n’aime pas ça.
La pêche n’est pas bonne. Mais la journée vire au cauchemar quand le petit bateau est lui-même attrapé dans les énormes filets d’un chalutier XXL.
Au port, la Bigoudène attend. Elle consulte même une voyante. Mais point de boule de cristal. Nous sommes en Bretagne. C’est dans une crêpe mâchée que la medium voit le pêcheur à Cuba.
L’aventure commence alors vraiment pour ces deux personnages attachants. Loin de leur vie bien réglée et un rien monotone, qu’ils aspirent pourtant à retrouver. Ils se cherchent d’un bout à l’autre de l’océan, font face à une modernité tapageuse et tape à l’œil, et y trouvent leur chemin sans jamais se renier.
Une ode à l’amour, à la force des racines et aux sardines à l’huile !
En ce premier dimanche de janvier les trois frères étaient réunis autour de leur mère, dans la maison de leur enfance. Ce n’est pas si commun et, pourtant, franchement agréable. D’autant que ces réunions de famille sont aussi l’occasion de réunir les petits cousins.
Il manquait bien, cependant, leur sœur qui vit en Autriche avec son mari et leur fille. Mais déjà, la famille réunie sur trois générations présentait un spectacle touchant.
Dans le salon rouge baigné de la lumière de la grande verrière, les enfants ont écouté Chantoune conter l’histoire de ces savants venus à la rencontre de Jésus. Devenus rois mages et fêtés à grandes bouchées de galettes, ils ont été le prétexte à nous offrir quelques cadeaux. D’autant que nous avions passé les fêtes chacun séparément.
Cette journée termine tout en chaleur et tendresse les vacances scolaires. Les devoirs sont faits. Les cartables sont prêts. Demain, c’est la rentrée !
Kedi est un documentaire turc de Ceyda Torun. Kedi signifie « chat » en turc. Aimant les chats et la Turquie, notamment Istanbul, je ne pouvais pas rater ce film. Nous y sommes donc allés en famille, tous les quatre. Passer une heure vingt à Istanbul m’a singulièrement émue.
D’autant que le film commence par une plongée aérienne sur la ville au-dessus de la tour de Galata, dévoilant à l’horizon la Corne d’Or et le Bosphore, cette mer qui traverse la ville et lui donne son rythme. Cependant le film choisit un autre rythme, celui des chats stambouliotes. Alors la caméra descend en rase-motte, à vue de félin.
Leurs regards en amandes, dorés ou verts, prégnants et vifs, se laissent capturer par l’objectif. La caméra les suit jusqu’au fin fond de leurs cachettes, dans les dédales des rues, des marchés et des ports. Ceyda Torun leur donne la parole à travers la voix de ceux que ces chats ont choisi, non pas comme maîtres, mais comme « humain principal ». Le mot vient de l’un de ces hommes ou femmes qui leur donnent à manger et leur prodiguent soins et caresses, en toute humilité.
Chaque chat a son caractère. Et à travers eux, c’est le caractère de cette Turquie bienveillante que nous aimons tant que j’ai retrouvé dans le film. Une réelle douceur de vivre souffle sur tous les personnages, une sorte de spiritualité même.
Artistes et intellectuels, commerçants et mécaniciens, pêcheurs et restaurateurs, hommes et femmes, ils ne sont pas passionnés par les chats. Ils vivent simplement avec eux dans cette ville tentaculaire qu’est Istanbul. Comme si ces chats étaient les gardiens de leurs âmes, symbole d’une liberté perdue.
Car ils débarquent un jour, s’installent, vont et viennent, grimpent sur les toits, se faufilent sous les portails, escaladent les gouttières, et rappliquent pour prendre nourriture et tendresse. Passant de l’indolence à la plus insolente vivacité, ils s’affranchissent de l’entrave des règles des humains en emportant leurs rêves jusqu’au ciel, qu’ils atteignent en funambules infatigables.
Enfin, l’autre personnage principal de Kedi, c’est Istanbul elle-même. Plurielle, populaire, humaine, touchante. Pour nous d’autant plus que nous reconnaissons des lieux et des gens. Pour nous d’autant plus qu’elle ne correspond pas à l’image de la Turquie actuelle, celle d’Erdogan, fermée, voilée et agressive.
Kedi a été tourné en 2014. Les choses ont beaucoup changé en un peu plus de trois ans. Des milliers de personnes sont en prison. Bien loin de l’apparente insouciance des chats des rues d’Istanbul.
Les heures sombres, de Joe Wright, est un film qui raconte une vision. Celle de Churchill au moment où il devient Premier Ministre en mai 1940. Les jours s’égrainent, implacables, alors que l’Europe s’écroule. Et Churchill se retrouve seul à devoir porter le choix des pourparlers de paix pour tenter de sauver les Britanniques de la folie d’Hitler. Ou celui de la résistance coûte que coûte, dans la légitime appréhension d’une invasion de l’île, mais dans une dignité héroïque alors que déjà la France s’apprête à capituler. L’armée britannique est encerclée à Dunkerque. Sauver les soldats relève de la folie. Et la stratégie militaire engendre des décisions terribles. Entraîner 4000 hommes vers une mort certaine pour tenter d’en sauver 300 000 autres. Peut-être.
Or c’est là toute la force de ce film. Nous plonger au cœur de ces heures sombres qui ont vu l’Europe s’effondrer. Et en faire surgir la force de caractère d’un homme, qui avait senti gronder le péril de l’arrivée au pouvoir d’Hitler.
Ce n’est pas que Churchill soit attachant. Il grogne, il hurle, il exige, il boit. Pour faire contrepoids à l’homme imposant, par son style et sa carrure, Joe Wirght a choisi de mettre en avant une jeune dactylo. Elle sera les larmes, l’émotion, la fragilité… bref l’humanité et la jeunesse qui font défaut au grand homme.
Au côté de Churchill, son épouse le soutient sans faillir. Esseulée et fatiguée, elle ne l’abandonne jamais. Elle sait se faire entendre tout en s’effaçant devant le devoir à accomplir.
Et s’il est une chose qui ressort de ce film, certainement sans le vouloir, c’est l’évolution de la place des femmes. Dans Les heures sombres, les femmes sont cantonnées à des rôles subalternes. Épouse dans l’ombre, dactylo rabrouée sans délicatesse, qui reste derrière la porte de la salle de bain alors que Churchill lui dicte ses mots de l’autre côté. Et quand il en sort soudainement, à peine a-t-elle le temps de filer dans les escaliers pour ne pas tomber nez à nez avec un Churchill en tenue d’Adam. #balancetonporc ? Au poste de commandement du Cabinet de Guerre, certaines salles sont tout bonnement interdites aux femmes. Pour la condition des femmes, on ne chantera pas l’air de C’était mieux avant.
Et en découvrant les colonnes de réfugiés français qui avancent péniblement sous les bombardements, comment ne pas penser aux Syriens qui traversent mers et continents pour tenter de sauver leurs vies ? L’histoire bégaye et nous avons la mémoire courte.
Enfin, les acteurs donnent toute sa crédibilité à ce film. On oublie le lourd travail de maquillage pour transformer Gary Oldman en Winston Churchill, et on se laisse porter par le personnage. Sa force, ses doutes, sa vision, son acharnement galvanisent. On comprend ses adversaires qui le trouvaient détestable. Pourtant on s’attache, voire on se retrouve dans les sentiments de sa femme, interprétée avec classe et brio par Kristin Scott Thomas.
Les heures sombres, c’est la découverte de Churchill, visionnaire et décalé, digne et horripilant, patriote et égoïste.
Nous étions une Française, une Russe et une Anglaise pour voir ce film entre amies. Et si la paix, c’était la puissance de ce partage au-delà des frontières. Je le souhaite à une époque où celles-ci se durcissent et se referment sur des haines assassines.
Cupcakes, brochettes sucré-salé, et autres petits plaisirs. Un 31 décembre tous ensemble.
Petites mains chapardeuses ou hésitantes, plan de travail enfariné. Les filles se mettent en cuisine dès l’après-midi.
Hortense se lance seule la première pour ses cupcakes. Elle grimpe sur les meubles pour attraper ce qui lui manque. Elle pèse, verse, mélange. Préfère le fouet au robot. Goûte avec application, et gourmandise. Et nous offre un goûter fondant.
Eglantine s’attaque au salé. Elle découpe l’agneau et enfile les brochettes. Un morceau de viande, un morceau de mangue. Puis un autre morceau de mangue pour elle. Parce que c’est trop bon, s’excuse-t-elle, se pourléchant d’un air angélique.
Quand arrive le temps du réveillon, nous avons respecté notre dimanche cuisine et repos, gardant les jeux, les perruques colorées et notre énergie pour ce soir. Rires, danse et explosion de canons à confettis. Pluie d’étoiles d’or et d’argent voletant partout dans le salon quand sonne minuit.
Olivier me fait tourner. Les filles sont épatées. Elles gloussent en s’emmêlant les bras pour tenter de danser comme papa.