Au-dessus des nuages

L’été s’est enfui dans un dernier éclat de soleil après avoir pris son temps. Le temps de se reposer, de réduire les contraintes, de vivre au rythme des jours qui se suivent sans fracas, sans tracas. Lâcher prise, se libérer des impératifs, ralentir.

Dans les montagnes où nous sommes partis nous ressourcer, nous avons marché paisiblement. Respirer, s’émerveiller, partager. Nous étions loin des performances. Nous n’avons battu aucun record, gagné aucune course. Un pied devant l’autre, un sandwich savouré au point le plus haut, le regard qui se pose sur les pics qui se bousculent les uns derrière les autres, avec les glaciers rabougris qui accrochent encore les nuages.

Le soir, nous laissions nos pensées vagabonder dans la vallée. Certains jours, nous marchions carrément au-dessus des nuages. Plaisir de se sentir coupés du monde, dans un univers de ouate fraîche et de verdure rocailleuse.

La rentrée a à peine poussé l’accélérateur. Vol fluide de l’avion qui navigue au-dessus des altocumulus. Les turbulences semblent s’éloigner. Sensation étrange d’harmonie retrouvée. Eglantine installée sur son campus. Hortense, jeune lycéenne. La maison se vide totalement trois jours par semaine.

Ranger, trier, organiser pour construire quelque chose de nouveau. Enfin. Peut-être. Sentiment d’équilibre instable. Peut-être est-il encore trop tôt pour s’assurer que le ciel est complètement dégagé.

Peu importe, ce moment suspendu au-dessus des nuages aura apporté le réconfort nécessaire pour affronter les prochains orages. Il est de temps de reprendre l’écriture ; ressusciter ce blog pour travailler les mots ; pousser la pratique pour produire des récits aboutis. Prendre son élan dans le flou des nuages pour créer des arc-en-ciels.

La science de l’émerveillement

Ce matin, Hortense venait juste de partir au collège quand la sonnette a retenti dans la maison. J’ouvrais la porte, prête à chercher rapidement ce qu’elle avait pu oublier. Mais non, elle voulait simplement nous inviter à voir la beauté de la rue scintillante dans le gel hivernal. Des feuilles de la haie aux barreaux du portail, des trottoirs aux vitres des voitures, la rue toute entière brillait dans les premières lueurs glacées du jour et Hortense souhaitait partager son émerveillement avec nous.

Il est fréquent qu’au cours d’une balade ou lors d’un trajet quelconque, je m’enthousiasme devant un jeu de lumière, un éclat de couleur ou la douceur d’un point de vue. Je dois même être parfois un peu pénible car je m’arrête souvent pour prendre une photo dont je ne fais généralement rien, mais qui me laisse croire que je peux garder en moi un peu de ce moment suspendu, de cette beauté éphémère.

Églantine développe la même émotion que moi face aux humbles splendeurs du quotidien. Nous étions ravies de constater qu’Hortense avait elle aussi adopté cette sensibilité. Elle rend la vie plus belle.

Lors de nos nombreux déplacements en voiture, Églantine a pris l’habitude d’étudier le ciel, relevant les traces alanguies de quelques cirrus dans l’azur, les camaïeux de rose d’un troupeau d’altocumulus moutonnants dans le soleil levant ou l’énergie captivante d’un cumulonimbus s’élevant dans le ciel. Elle a commencé à reconnaître les nuages lors de ses stages de parapente. Leurs formes et leurs directions sont des indicateurs précieux pour réussir son vol.

« Tu crois que je peux faire un sujet du grand oral sur les nuages ? » me demandait Eglantine l’autre jour. Sa prof de physique-chimie le lui a confirmé. L’émerveillement fait très bon ménage avec la science. La poésie du quotidien ouvre des voies insoupçonnées.

Poésie nivéenne au coeur de la ville

Que sera, sera

Ultime soir de canicule. Je sors de mon troisième et dernier train. Dans quelques mètres je serai à la maison. Le ciel enflamme les nuages qui moutonnent paisiblement. Le doré vire à l’orange puis au rose. La lumière chaude lutte contre la pénombre qui avale déjà les rues.

Olivier, lui, vient d’arriver en Espagne. Les filles ont préparé leur dîner. Quand je pousse la porte, elles dansent ensemble devant le ventilateur. La chaleur est encore lourde. Leurs sourires m’accueillent.

La rentrée rétrécit le temps, bouscule les heures, consomme les minutes. Elles, elles dégustent la fin de l’été entre sœurs. Petits bonheurs sans les parents. Moment suspendu avant de replonger dans les cours.

Au milieu de la nuit, la pluie tambourine sur le toit. Grosses gouttes, lourdes comme ces années qui marquent la fin de deux cycles importants. Le collège pour l’une. Le lycée pour l’autre.

Que sera, sera…

Qu’il est bon de leur faire confiance et de les voir grandir, malgré les orages.

Ciel de banlieue

Centre commercial un vendredi de janvier. Fin d’après-midi. Garer la voiture sur un parking gris au milieu des voitures mouchetées de neige fondue, sales, boueuses.

Fermer la portière et être saisie par le ciel. Quelques nuages aux teintes mauves derrière lesquels transparaît la soleil. La ligne à haute tension qui accompagne l’énergie des derniers rayons. Les silhouettes des arbres qui dansent dans l’ombre, leurs branches tendues vers les nuées, comme les bras de danseurs en transe à la fin d’une fête.

Un ciel de banlieue et c’est tout un monde qui se découvre.