Lumière fragile, moment suspendu

Suis-je vraiment rentrée de vacances alors que je choisis encore une fois, pour commencer cette semaine, une photo de la montagne ?

Dernier matin, je sors les poubelles. Par delà les toits, la montagne s’éveille dans la douceur des premiers rayons du soleil. Le matin discret, ensommeillé, celui des traces d’oreiller sur les joues et des dernières fraîcheurs de la nuit. La lumière douce qui caresse les crêtes juste avant que le soleil ne paraisse complètement, écrasant les ombres.

Quand je reviens d’avoir déposé les poubelles dans le grand collecteur, les ombres ont disparu. Le ciel d’un bleu éclatant ne laisse plus planer aucun mystère. Moi, je garde au cœur de mon téléphone le souvenir de cet au-revoir à la montagne, un de ces moments fragiles et suspendus que j’aime tant surprendre.

Plumetis de lumière

Les vacances sont presque terminées et je reprends le rythme du blog avec la photo du lundi. Celle-ci a été prise dans la lumière dorée du matin, au bord d’un chemin entre le col du Granon et celui de l’Oule. A l’heure où le soleil paraît au-dessus des crêtes et où ses rayons semblent transpercer la montagne.

Alors que le Covid a suspendu la vie de la maison pour quelques jours, je profite du départ matinal d’Eglantine à son stage de parapente pour une balade solitaire sur les hauteurs de la vallée. Seules quelques véhicules sont déjà garés au pied de la buvette. Ses volets sont encore fermées. Deux jeunes couples se préparent à l’arrière d’une voiture voisine. Je les laisse partir devant moi.

Quelques nuages soulignent les étendues de rocaille verdoyante, contrastant avec la dentelle des sommets bleuissant dans le lointain. Au bord du chemin, les herbes des montagnes pointent leurs fruits vers le ciel. La nature a abandonné les couleurs vives des kyrielles de fleurs printanières pour la finesse, la délicatesse et la discrétion estivale.

Les houppes blanches et soyeuses des linaigrettes ondulent légèrement dans le vent tandis que des drôles de fleurs capturent le soleil dans leurs grands filaments plumeteux. Je sais désormais qu’il s’agit du fruit de la Benoîte des montagnes, un akène poilu qui remplace à cette saison sa petite fleur jaune vif.

Dans le contre-jour du soleil, elles évoquent une féérie matinière, l’envol merveilleux d’êtres surnaturels, un moment suspendu au creux de la montagne.

Ces plumetis de lumière ne sont qu’un détail face à la majesté des sommets qui nous entourent mais ce sont eux, justement, qui m’émeuvent le plus.

Chat du soir

Dans le faisceau de ma petite liseuse, un livre de Camille Laurens au format poche. La tête bien calée sur mon oreiller, j’entame la lecture qui accompagnera mon effondrement dans le sommeil.

Mon gros matou saute lourdement sur le lit et avance vers moi d’un pas chaloupé. Installé hiératiquement sur ma poitrine, il me toise puis donne une grand coup de tête dans la main qui tient le petit livre.

C’est son heure, sa place. Il vient chercher son câlin. Pas de lecture qui tienne.

J’attrape mon téléphone sur la table de nuit. J’aime la lumière sur le pelage de mon éternel mécontent, ses longues moustaches strient la pénombre de la chambre. Une caresse de la main et mon tendre pépère plisse les yeux de plaisir. Je prends la photo.

C’est celle que je choisi pour ce lundi.

Un bruit par la fenêtre ouverte et voilà Django qui sursaute et s’enfuit. Il revient quelques minutes plus tard s’avachir en travers de mon ventre, son museau humide calé contre mon bras. Alors que je continue ma lecture, j’entends le doux râle qui lui sert de ronronnement.

Le câlin du soir est un rituel incontournable. Ce n’est pas un livre qui ca l’en priver.

Fallacieuse corolle

Fallacieuse corolle. Un oignon joue la comédie.

Desséché, la peau qui craque, rabougri, ayant perdu les rondeurs de sa chair à l’odeur piquante, il s’étiole silencieusement dans un coin de la cuisine quand je le découvre.

Cercles anguleux. Jeu des traits sur la planche à découper où se croisent les entailles des lames, les veines du bambou et les lignes de fuite des couches extérieures de l’oignon qui se jettent en son centre.

Le soleil inonde la pièce, enveloppant délicatement l’oignon, illuminant son coeur blanc, soie sauvage potagère. Beauté éphémère d’un bulbe mutilé, racorni, abandonné.

Je m’émerveille de cet oignon fleur qui encourage à saisir le charme du rebut. Je profite de la photo du lundi pour vous partager cet enchantement fugace.

La musique des ombres

Plus que quelques minutes avant que le lundi ne soit fané. Je travaille d’arrache-pied sur une vidéo pour les Petites Cantines Antony. Et le temps fond comme neige au soleil alors que j’entends la chorégraphie des dameuses en bas des pistes.

Pour la photo du lundi, je partage ce cliché en noir et blanc – oui, j’aime beaucoup la douceur du noir et blanc. L’ombre portée sur les volets est la partition d’une musique que n’entendent que les rêveurs.

Les muses de la grisaille

Sur la route du ski, l’herbe est nue. Aucune trace d’un quelconque animal ayant traversé le manteau blanc de l’hiver. Les nuages ont éteint les reflets ambrés de la forêt, les verts bronze des troncs qui nous accompagnaient sous le soleil. Le ciel est bas. Dans l’air froid, enfin, quelques flocons. D’abord légers, presque indicibles, il s’épaississent peu à peu, sont plus nombreux.

Depuis la fenêtre arrière de la voiture, taraudée par le mal des transports, je suis des yeux les têtes dénudées des arbres qui peu à peu blanchissent. La montagne se fait Parnasse où les muses s’amusent à créer de la poésie dans les fondus de grisaille.

Il faudra finalement s’arrêter pour chausser les chaînes et retrouver un monde plus prosaïque fait de valises à décharger, de forfaits à acheter et de skis à louer.

Des histoires et des fleurs

Entrer chez un fleuriste, c’est être ébloui par une végétation luxuriante. Des odeurs, des couleurs et des textures qui assaillent tous nos sens. Dans le béton des villes, les fleuristes sont des oasis de verdure qui me fascinent. Il m’arrive assez souvent de les photographier, sans trop savoir pourquoi.

L’attirance de la couleur, peut-être. Mais quand je reprends mes clichés ce soir, les couleurs sont trop vives, trop artificielles. Le noir et blanc y apporte de la douceur et recentre le propos sur la texture des pétales, l’accumulation par petites touches des superpositions de fleurs, les jeux de matière entre la végétation, les grands pots en vannerie et les larges pavés d’un trottoir parisien.

Cette semaine, j’ai acheté un jasmin pour une amie. La fleuriste était bavarde. Elle m’a raconté ses sauvetages de plantes. Elle en parlait comme de ses amies. Les amputées pour les bouquets, les jetées dans le fossé, les maltraitées. Elle les récupérait, trouvait le bon endroit pour les soigner et s’en occupait avec délicatesse.

Elle m’a parlé de ce jasmin qui s’accrochait à tout ce qui était à proximité et que son père appréciait tant. Elle avait la voix qui tremblait quand elle m’a confié que cette plante lui permettait de maintenir vivant le souvenir de son père. Il l’avait gardée un été et s’était attaché à ce jasmin délicieusement liant. Le revoyait-elle, vivant et riant, dans la douce odeur délicate des petites fleurs blanches ?

J’aime les petites histoires que les gens racontent ainsi en passant. Elles nourrissent mon imaginaire et colorent le quotidien encore mieux que les fleurs flamboyantes des fleuristes.

Lignes de vie

Un arbre. Un lampadaire. Et la nuit noire de l’hiver. Les branchages ressortent en négatif, lignes blanches qui tendent leurs flèches vers l’ombre du néant. Des vies qui se croisent et s’écartent, chacune tendant vers son propre but, donnant naissance à son propre chemin, ses propres idées. Pourtant, les racines restent communes et le tronc soutient l’ensemble. Le désordre n’est qu’illusion. De ce fouillis végétal naît une beauté qui m’interpelle.

Et la lumière fut

J’ouvre un oeil. Sommeil d’après-midi. Soleil d’hiver qui vient transpercer les feuilles d’une clématite dans le salon.

La lumière fuse, redessinant les feuilles d’un vert translucide, plongeant les fleurs dans l’ombre du contre-jour.

Moment fugace avant que le soleil ne disparaisse derrière les premiers nuages. Grâce éphémère du quotidien.

L’hiver, on s’en balance !

Hortense et son amie s’emparent des balançoires alors que le collège est fermé ce lundi.

La photo du lundi

Une journée de vacances en plus. Le collège est fermé ce lundi pour cause de journée pédagogique. Le parc est clairsemé. Quelques lycéens musardent, des lecteurs s’égrainent sur les bancs ensoleillés, Hortense et son amie Camille s’emparent des balançoires.

Leurs ombres vont et viennent sur le sol alors que leurs rires résonnent sur le ciel limpide.