Oscar, meilleur ennemi du tsundoku

Oscar est mini-chien froussard, qui refuse le jardin et m’impose des balades quotidiennes d’un ennui mortel. J’ai trouvé la parade : lire en marchant !

Tous les matins. Tous les soirs. Et si possible au moins une fois entre les deux, il faut sortir le chien. Ce n’est pas faute d’avoir un jardin avec des arbres contre lesquels lever la patte. Ce n’est pas notre chien non plus. Celui de ma maman. Pendant qu’ellese rééduque l’épaule en clinique, je me charge de ce poilu qui a peur de tout. Dont le jardin.

Il faut le promener dans la rue.

Je lui passe le harnais. Il n’aime pas ça. Je ruse pour l’attraper. Je n’oublie pas le petit paquet de sacs pour ramasser sa production. Je ne l’attache que lorsque nous croisons ses congénères. Il ne les supporte pas. Malgré des dents grosses comme des TicTac, il se prend pour un dogue. Il me faut alors retenir ce molosse de pacotille. Heureusement, je suis généralement un peu décalée par rapport aux autres promeneurs de chien. Je peux laisser Oscar, c’est le nom de mon cador en carton-pâte, renifler librement.

Avec le beau temps, les fenêtre s’ouvrent. Je profite parfois d’une mélodie au piano. Je vois les arbres se couvrir de fleurs. Un soir, nous avons même croisé un hérisson.

Mais qu’est-ce que je m’ennuie !

Alors je lis.

Un œil sur mon livre, un autre toujours en alerte pour vérifier que nous ne croisons pas d’autre chien et qu’Oscar est toujours à proximité, j’ai développé ma technique. Je descends ma pile de livres à lire au gré des promenades. Oscar est l’ennemi du tsundoku, terme japonais qui désigne ces piles de livres qui s’entassent en attendant d’être lus.

La nuit, je jongle entre la lumière des lampadaires et les ombres qui s’allongent ou se rétractent au rythme de mes pas. La journée, je dois parfois renoncer à ma lecture pour discuter avec une voisine. Et puis il a une tête sympathique, ce mini-chien tout en rondeur, avec le plumeau de sa queue qui balaie l’air alors qu’il trottine. Les gens l’aiment bien.

Si je préfère la désinvolture altière de mes chats, la présence d’Oscar apporte donc quelques changements sympathiques. Je lis et je développe mes relations de bon voisinage.

J’ai hâte, tout de même, qu’il retourne auprès de sa maîtresse.

Team chat vs team chien.

La partie d’échecs

Duel d’échecs père-fille, entre stratégie et tendresse, dans la nuit qui s’installe.

Ils se sont installés face-à-face. Hortense assise en tailleur sur le tapis. Olivier, grand sage sur son fauteuil. Entre eux, le plateau en bois, douces couleurs ambrés du damier, toutes les pièces alignées en ordre de bataille. Les changements de rythmes se sont succédé, battements rapides des coups qui s’enchaînent, longues pauses épaississant le silence. Les regards aimantés par le jeu. Quelques coups d’œil éclairs vers le visage de l’adversaire. Sonder les profondeurs de l’esprit. Affûter sa stratégie.

Moment intense père-fille. Rare. Précieux.

Retour de ski

Entre fatigue du voyage, rires d’ado et valises à vider, souvenirs enneigés et clap de fin pour la vacances.

Une derrière matinée sur les pistes. Déjeuner en station. Laisser partir le plus gros des voitures. Puis rejoindre la grande transhumance de la fin des vacances quand la circulation est plus fluide. Ils sont arrivés dans la nuit.

Ce matin, le soleil illumine depuis longtemps les branches encore glabres de l’arbre de Judée et le vert mat du grand cèdre. La toux épaisse d’Eglantine scande l’engourdissement d’une matinée aux allures de lendemain de fête.

En descendant de voiture hier soir, chacun, chacune, portait sa fatigue à sa façon. Oliver avait les traits tirés de celui qui s’est concentré sur la route de trop longues heures. Mais il suffisait de lui parler de sa journée de ski de vendredi pour voir son visage s’illuminer.

Les cousines, cuvée 2009, riaient comme deux ivrognes. Saoules de fatigue, la tête encore dans les fous rires de leurs fantaisies adolescentes. Leurs souvenirs ont les couleurs du Club ado, berceau d’une émancipation encadrée, écho de journées de ski avec des copines et des copains du même âge.

Le visage d’Eglantine était défait par la fatigue de la route et la maladie qui la martèle depuis dix jours, alternant coups de semonce et répits salutaires. Ni grippe, ni covid, elle s’était testée avant de partir. Elle a quand même profité de la neige, heureuse ensuite de retrouver son nid perché dans la mezzanine de leur chambre. Elle s’est glissée dans la chaleur familière de son lit sitôt arrivée à la maison.

Pour moi, fini la vie de célibataire à partager des apéros, des expos et des restaus avec les copines. Me coucher tard, me lever tôt pour mon nouveau boulot. Je n’étais pas tellement plus fraîche qu’eux.

Le papa de Mélissa est venu séparer le doublon complice des cousines. Terminer de vider les valises. Première lessive. Dernières confidences. Nos fatigues se sont enlacées. Derniers baisers. Derniers câlins. Et la nuit qui accueille les rêves encore blanchis de neige.

C’étaient de bien belles vacances.

Image by Nici Keil from Pixabay