Cueillir la joie

Être à la maison quand Hortense rentre du collège est l’assurance de pouvoir échanger avec elle. L’heure du goûter signifie détente, relâchement et bavardage. On en arrive à des assertions du type « les pimbêches ne font pas de latin ». La formulation nous amuse comme le titre d’un livre feel good. Olivier ne s’y trompe pas qui, averti par nos voix et nos rires, quitte son écran pour se mêler à la conversation.

Quand vient le temps des devoirs, Hortense s’installe sur la grande table de la salle à manger. Je prends mon iPad dans l’idée d’écrire mon article du jour. Je fourmille d’idées. Hortense s’assoit à sa place habituelle et ouvre son agenda où la semaine s’étale sur une grande double-page. Assise en face d’elle, je reste disponible.

Elle commence par la physique puis poursuit avec des mathématiques.

Hortense : Maman, c’est normal que je préfère factoriser que développer et réduire ?

Moi : Eglantiiiiiiiiiine !

Alertée par mon ton désespéré, cette dernière sort de sa retraite camérale, ravie de pouvoir aider sa sœur. Et les voilà qui partent toutes les deux dans un voyage mathématique tout en connivence.

Si vous pensez que je vais vulgariser la factorisation ou quoi que ce soit de mathématique, passez votre chemin. J’ai calé mon casque sur mes oreilles et suis partie approvisionner mon compost en épluchures de pommes.

Elles y ont passé du temps. Chacune acceptant des compromis, qui pour avoir la patience d’expliquer, qui pour consentir à recevoir de l’aide. Il y eût des cris, des soupirs affligés, des épaules abaissées d’incompréhension, de l’hilarité, du brouillon raturé, des discussions enflammées, motivées et spontanées mais le devoir fût terminé.

A la fin de l’exercice, chacune s’en vient ravie pour dîner. Eglantine d’avoir expliqué. Hortense d’avoir compris.

Et moi, je me réjouis de notre famille délicieusement débonnaire où règne une si belle entraide.

François Gremaud, dans l’entretien sur France Culture que j’ai partagé hier, parle de « définir la joie comme force majeure, car elle est susceptible de contenir le tragique de l’existence, l’inverse n’étant pas toujours vrai ». Regarder mes filles grandir me renforce dans ce sentiment que la joie nous apporte une énergie extraordinaire.

Encore faut-il savoir l’accueillir, ou la cueillir. Avec une Tasse de Thé ?