Au-dessus des nuages

L’été s’est enfui dans un dernier éclat de soleil après avoir pris son temps. Le temps de se reposer, de réduire les contraintes, de vivre au rythme des jours qui se suivent sans fracas, sans tracas. Lâcher prise, se libérer des impératifs, ralentir.

Dans les montagnes où nous sommes partis nous ressourcer, nous avons marché paisiblement. Respirer, s’émerveiller, partager. Nous étions loin des performances. Nous n’avons battu aucun record, gagné aucune course. Un pied devant l’autre, un sandwich savouré au point le plus haut, le regard qui se pose sur les pics qui se bousculent les uns derrière les autres, avec les glaciers rabougris qui accrochent encore les nuages.

Le soir, nous laissions nos pensées vagabonder dans la vallée. Certains jours, nous marchions carrément au-dessus des nuages. Plaisir de se sentir coupés du monde, dans un univers de ouate fraîche et de verdure rocailleuse.

La rentrée a à peine poussé l’accélérateur. Vol fluide de l’avion qui navigue au-dessus des altocumulus. Les turbulences semblent s’éloigner. Sensation étrange d’harmonie retrouvée. Eglantine installée sur son campus. Hortense, jeune lycéenne. La maison se vide totalement trois jours par semaine.

Ranger, trier, organiser pour construire quelque chose de nouveau. Enfin. Peut-être. Sentiment d’équilibre instable. Peut-être est-il encore trop tôt pour s’assurer que le ciel est complètement dégagé.

Peu importe, ce moment suspendu au-dessus des nuages aura apporté le réconfort nécessaire pour affronter les prochains orages. Il est de temps de reprendre l’écriture ; ressusciter ce blog pour travailler les mots ; pousser la pratique pour produire des récits aboutis. Prendre son élan dans le flou des nuages pour créer des arc-en-ciels.

Un mot pour reprendre

Parfois les rencontres ne suffisent pas. Même cette joyeuse grand-mère qui a apporté des roses de son jardin à la dernière Cantine Éphémère de notre association. Cheveux frisés, courts, à peine gris, chandail lilas avec une fraise dans le dos, un bracelet fait de longs coquillages, des yeux bleus, des mains déformées par l’arthrose, le travail au jardin, les brûlures de la cuisine. Elle avait le contact joyeux et la présence heureuse de ceux qui aiment sincèrement partager.

Parfois, la beauté du monde ne suffit pas non plus. Les églantines qui tombent en grappes le long de la terrasse, les roses charnues aux doux reflets jaunes bordés d’un rose poudré, les autres au rouge profond, le soleil dans les branches des noisetiers.

Même les premières fraises au parfum sucré, les petits-pois qui s’égrènent sous les doigts, la rhubarbe qui effile ses verts et ses rouges délicieusement acides.

Rien n’y fait. Impossible de commencer à écrire une seule phrase. Pas même un mot.

Ce soir enfin, un moment simple et radieux. Un jeu de carte et un mot, le Uno, pour reprendre le fil de l’écriture tarie de mes derniers jours.

Des éclats de rires sincères, enivrants, revigorants.

Dans la lumière déclinante d’une soirée de printemps, quatre joueurs autour d’une table ronde et les cartes qui jaillissent des mains, suscitant enthousiasme ou déconcertement. Nous jouons partie sur partie, avides de remporter la suivante, prompts à nous emporter, enchantés de partager nos rires.

Dans le fond du jardin, les pelages des chats se distinguent derrière quelques ronces qu’il va falloir couper. De rares moustiques cherchent leur pitance autour de nos tee-shirts. Les derniers oiseaux fusent dans le ciel.

Déjà la fraîcheur gagne.

Chacun, chacune retrouve son intérieur. Uno ! Je trouve enfin la voie pour écrire quelques mots.

Un mot pour reprendre le rythme.

Écrire

Écrire tous les jours.

Écrire les petites choses, les impressions, les sentiments, les états d’âmes et quelques opinions.

Écrire sur soi, sans autre intérêt que ce que l’on voit.

Écrire sans envergure mais avec liberté.

Écrire alors que les muscles tirent.

Écrire même si les paupières sont lourdes.

Écrire comme un entrainement.

Écrire pour s’aérer l’esprit.

Écrire pour relâcher la pression.

Écrire quand le ciel est bleu et quand il pleut.

Écrire pour oublier.

Écrire pour y penser.

Écrire pour s’amuser.

52 Tasses de Thé depuis le début de l’année.

Une par jour.

Écrire pour continuer.

Un chat, une marguerite et un rayon de soleil

Pourquoi parler du temps ? Le temps qu’il fait. Le temps qui passe. Le temps d’un clin d’œil. Le temps infini. Le temps pour soi, le temps en temps, le tant pis, le tant mieux. Pourquoi écrire un blog que vous êtes quatre à lire ? Cette écriture est-elle pour vous ou pour moi ?

Assez égoïstement, je dirai que j’ai repris ce blog avant tout pour moi. Loin d’un journal intime où les émotions s’étalent sans filtre. Pas un media qui afficherait des articles fournis, avec une ligne éditoriale claire, des objectifs statistiques. Pas un défouloir non plus, puisque je ne suis pas vindicative, aucun ressentiment à déverser.

Plutôt une gymnastique quotidienne. Un défi aussi. 365 billets en 2023. Un par jour. Garder ce qui me fait vibrer, le partager avec quelques proches. Les internautes perdus, arrivés ici par hasard, sont les bienvenus. Mon domaine n’est pas privé mais il n’y a pas de panneaux pour en annoncer l’entrée, pas de plan pour y venir.

C’est rassurant d’écrire en catimini. Pas de commentaires acerbes, de messages de reproche, de débats stériles.

Écrire me fait du bien. Comme mon chat qui dort dans un rayon de soleil. Écrire dans un rayon de soleil, ce serait bien l’idée de cette Tasse de thé. Cet instant où la vie s’illumine, où l’on s’arrête pour regarder une ombre ou un reflet nés de la lumière.

Parler du temps, qu’il fait, qui passe, pour se retrouver soi. Une pause partagée autour d’une Tasse de Thé qui se prolongerait dans votre lecture. Ensemble, un peu, beaucoup, passionnément, pas du tout… chacun, chacune reste libre d’effeuiller sa marguerite.

Un chat dormant, une marguerite, un rayon de soleil, une tasse de thé. On n’est pas bien là ?