La presqu’île du bonheur

Une côte découpée comme de la dentelle, roches aux nuances de gris, d’ocre et de rouille, eaux turquoises virant sur le marine ou le vert en fonction de la lumière, la baie de Fethiye est encore douce alors que l’automne pleut sur Paris. Notre hôtel occupe une vaste presque-île qui s’enfonce dans la mer Méditerranée. Le soir, au loin, les lumières de la ville scintillent derrière celles des mats des bateaux qui mouillent pour la nuit.

Cabotage le long des côtes

Bonheur paisible de la baignade et du farniente. L’hôtel propose une quantité improbable d’activités. De grands toboggans accueillent les rires tourbillonnants des enfants avant d’être submergés dans l’eau encore très chaude. Un peu plus loin, les paddles, kayaks et optimists sont en libre accès. De l’autre côté de l’hôtel, on croisera un père et son fils en train de pêcher. En grimpant sur les hauteurs, on s’aventure au tir à l’arc. Le sommet d’une autre petite colline héberge un mini-golf et un terrain de badminton. On peut s’essayer à l’ebru (papier marbré) ou à la poterie. On retrouve aussi l’incontournable aquagym, les leçons de danse et de Zumba et les cours de Yoga. Mais la liste est encore longue. Impossible de tout expérimenter…

Vue sur la plage aux toboggans

Dans la douceur des fleurs de bougainvilliers, nous profitons de vacances en famille sans autre contrainte logistique que celle de choisir sur quelle plage se retrouver. Les cousines partagent des moments précieux, elles qui ne se voient que rarement. Même Eglantine, une fois passée la fatigue du voyage, s’épanouit au soleil.

Elle partage avec son père et sa sœur un vol incroyable depuis le sommet de Babağda, cette montagne qui domine la baie de ses 1975 mètres. Moment intense lorsque les voiles des parapentes se gonflent et filent dans l’azur. Ils partiront chacun à quelques minutes d’intervalle, bien arrimés aux parapentistes professionnels qui enchaînent les vols en duo. Alors que je redescends en voiture, je regarde le ciel constellé de voiles colorées qui pirouettent avec habilité. J’arrive bien après eux sur la plage d’Ölüdenız où ils ont atterri.

Pour Hortense, nous avons tous embarqué sur un bateau de plongée. Portants chargés de combinaisons Néoprène, palmes rangées dans des casiers sous le toit, bouteilles et détendeurs calés le long des parois. Olivier et Eglantine feront leur baptême. Plongée à 5 mètres le matin. 7 l’après-midi. Chantal, Elise, Estée, Yeşim et moi profiterons des petites baies où s’ancrera le bateau pour nager avec les poissons, simplement équipées de palmes, de masque et de tuba. Hortense, elle aura le droit de plonger à 18 mètres grâce à sa carte de plongeuse niveau 1. Malgré son mètre soixante-quinze, elle n’a encore que 13 ans et la Turquie interdit aux moins de 14 ans d’aller jusqu’à 20 mètres.

Première plongée d’Hortense en Turquie 🇹🇷

Grâce à leur cousine Estée, les filles découvriront aussi le ski nautique. Plaisir de glisser sur l’eau. Premiers slaloms. Et même, sortir du sillon, passer la vague, puis revenir dans l’axe du bateau. Sourires radieux.

Délice des papotages retrouvés avec mon amie Yeşim, tout en profitant du reste de la famille. Surtout Élise et Estée que la distance et les rythmes de vie ne permettent pas de voir très souvent.

Dernier matin avant le départ, attendre le lever du soleil.

Enfin, alors que la toute jeune république turque fête ses 100 ans, que les drapeaux rouges inondent les rues, les boutiques, les façades et les moindres recoins du pays, chacun.e repart dans sa direction. Eglantine et moi rentrons à Paris alors qu’Elise et Estée retrouvent Vienne. Olivier, Chantal et Hortense, eux, profitent encore un peu de la Turquie à Istanbul avec Yeşim.

Quand Eglantine s’envole

6h06 – Quitter la maison

Le village dort encore. De gros nuages gris plombent la vallée. Eglantine a rendez-vous au rond-point de Chantemerle pour rejoindre le col du Granon avec son école de parapente, Émotion Air.

6h24 – Le ciel prend des couleurs

Eglantine a rejoint son groupe de parapentiste dans la camionnette de l’école. Chantoune et moi les suivons avec notre voiture. Objectif : assister au décollage.

6h58 – Atteindre la zone de décollage

La procession des parapentistes, voile et sellette sur le dos, gravit les derniers mètres jusqu’à la zone de décollage. Le temps de prendre nos sacs à dos dans le coffre et nous prenons le même chemin qu’eux.

7h08 – Déployer les voiles

Chacun, chacune déplie sa voile sur l’herbe courte du col du Granon. Le vent monte de la vallée. Nécessaire pour le parapente.

7h13 – Changement de vent

Le vent a tourné. Tout le monde attend le retour de la bise montante pour décoller. Le parapente, c’est aussi une histoire de patience. Choisir les bonnes conditions pour réussir son décollage et son vol, c’est aussi savoir attendre le bon mouvement d’air.

7h15 – Attendre encore

On patiente encore. Le soleil effleure les sommets. Au loin, au fond de la vallée, Briançon se réveille.

En face de nous, les Écrins. Malheureusement, les glaciers fondent d’année en année.

7h40 – Premier décollage

Guidée par la radio, Eglantine décolle pour la première fois du col du Granon. L’année dernière, terrassée de fatigue, elle avait préféré ne pas décoller plutôt que de prendre des risques. Cette année, elle s’envole pour 20 minutes de bonheur avant d’atterrir 1100 mètres plus bas.

7h52 – Déplacer la voiture

Maintenant qu’Eglantine est partie, nous allons garer la voiture sur le parking du col. Le monospace familial n’apprécie que modérément le chemin de pierres mais il nous fallait suivre la camionnette des parapentistes pour connaître l’emplacement du décollage.

8h20 – Randonner par monts et par vaux

Il n’y a pas réellement de sentier qui mène à la zone de décollage. Nous ne souhabitons pas emprunter le chemin de pierres accessible en voiture. Il manque de charme et de pittoresque. Alors Chantoune et moi traversons par monts et par vaux le relief qui sépare le col de la zone de décollage. Nous arrivons en même temps que les parapentistes.

Dans la vallée, le soleil réchauffe Briançon. Nous, nous sommes emmitouflées dans les polaires et les coupe-vents.

8h54 – Réinstaller sa voile

Ses gestes, mille fois répétés, sont précis et minutieux. La sécurité du matériel est primordiale pour réussir son vol.

9h05 – Attendre son tour

Bien centrée devant sa voile, la sellette sur le dos, le casque sur la tête, Eglantine attend le feu vert de Nico pour décoller. Les radios crachotent les instructions des moniteurs. Les élèves se répartissent sur deux fréquences. Tom-Tom et Xavier guident les parapentistes depuis le sol alors que Nico, le grand chef, donnent ses instructions au décollage.

9h19 – Observer les nuages

Juchée sur une proéminence, Chantoune guette les nuages en attendant le départ d’Eglantine.

9h20 – Voler en autonomie

Alors que ça va être à Eglantine de décoller, Nico ne lui donne qu’une instruction : « autonomie totale ».

Eglantine va donc gérer son vol du décollage à l’atterrissage sans instruction radio. Cependant, les moniteurs ne la quitte pas des yeux. En cas de problème, ils interviendront immédiatement pour guider Eglantine et éviter un accident.

Nico est super fier de voir Eglantine réussir parfaitement son premier décollage en autonomie. Moi, je suis très émue.

Le temps de descendre, nous récupèrerons Eglantine un peu après 10h. Son sourire illumine son visage. Elle rayonne d’un bonheur intense. Quand Eglantine s’envole, elle happe toute l’énergie du ciel.

Sous l’œil bienveillant du dragon

Journée Zéro Déchets dans le quartier La Fontaine. Sur une table au pied des immeubles, une table couverte d’invendus. Tout vient du Auchan voisin. Caddie à moitié rempli de carottes. Têtes de brocolis par dizaines. Pommes. Oignons. Pâtes. Barquettes de purées diverses. Lait infantile. La liste est longue de ce qui était destiné à la poubelle.

Alors que l’inflation frappe les porte-monnaie, c’est une aberration.

Pour nous, ce sera carottes et champignons dans une quiche au fromage de chèvre le soir même.

Et la découverte d’un cousin du litchi, le longane, aussi appelé œil du dragon. Petites boules à la peau jaune et épaisse, chair translucide avec un petit noyau rond et noir. Elles étaient entassées dans de petites cagettes en plastique rose. Des fruits exotiques venus en avion pour finir dans nos poubelles. Désespérant.

Ça se grignote bien. Ainsi, nous voilà à l’heure d’un déjeuner dominical plus que tardif – la faute au changement d’heure – à papoter sur trois générations. Soit en épluchant les longanes – Eglantine et Chantal – en éminçant les poireaux – moi – ou en prenant son petit-déjeuner – Hortense.

Papotage autour de la table de la cuisine autour de ces tranquillement répétitifs. Dans les traditions asiatiques, le dragon est un être bienveillant. Cette espèce de litchi jaune nous a offert un beau moment partagé, en toute simplicité, baigné de soleil printanier.

Et au moins, ils n’ont pas terminé au fond d’une poubelle.