Plutôt pas mal cette petite journée de vacances en rab avant la reprise. Pour Hortense, ça a été l’occasion de terminer ses devoirs. Et de se rendre compte que, si je la houspille aussi souvent pour qu’elle se mette au travail régulièrement, c’est que nous souffrons, elle et moi, du même travers : une forte propension à la procrastination. Cet art subtil de repousser à plus tard.
Dans notre imaginaire, le temps s’étire à l’infini, accueillant sans réserve tous nos projets, toutes nos envies et toutes nos obligations. Il sera donc toujours temps de faire ça plus tard, se dit-on in petto face aux contraintes. Mais les dates limites dressent invariablement leurs herses acérées dans le moelleux de nos rêves d’infini, provoquant boules d’angoisse et sueurs froides.
Hortense a eu par le passé quelques rentrées difficiles, réalisant la veille au soir qu’un devoir n’était pas fait ou une leçon non apprise. Une fois, ce fût le matin même qu’elle réalisa qu’elle avait une évaluation qu’elle n’avait pas préparée.
Alors, je m’assoie avec elle autour de la grande table de la salle à manger. Je la laisse travailler à son rythme. Je suis disponible si elle a besoin de moi mais je lis ou écris de mon côté sans la déranger. Je lui demande juste si elle est certaine de ne rien avoir oublié.
Aujourd’hui, elle m’a avoué, après avoir terminé ses devoirs, qu’un poids venait de la quitter. Je voyais très bien ce dont elle parlait. Elle s’est serrée contre moi, rassurée de ne pas être seule à connaître cette culpabilité de la procrastination.
J’ai profité de ce moment de proximité pour relancer le sujet de la lecture. Hortense a toujours son caractère de chat à qui il ne sert à rien d’imposer quelque chose. J’aimerais qu’elle lise autre chose que ses mangas et ses webtoons. Qu’elle s’intéresse un peu au monde qui l’entoure. Alors, j’ai allumé mon ipad et affiché le dernier numéro de Topo. J’ai l’habitude d’acheter ce magazine chez le libraire et plusieurs anciens numéros traînent à la maison. Il traite de sujets d’actualité et de société très divers sous forme de bandes dessinées et se destine aux moins de 20 ans (mais on ne meurt pas instantanément si on le consulte après cet âge).

Je sais qu’Eglantine le lit avec plaisir mais Hortense m’a confirmé qu’elle ne le feuilletait jamais.
J’ai entamé un article sur le Qatar. Hortense n’était pas intéressée. Puis j’ai senti son regard se poser sur les dessins et les textes. Petit à petit, elle s’est plongée avec moi dans le reportage. Il faut reconnaître que le format BD de ce magazine est vraiment propice à la lecture.
Finalement, après le dîner, elle a terminé seule la lecture de l’article sur le Qatar et lu le sujet suivant dans la foulée.
Que ces instants sont précieux, ceux où l’on sent que la patience porte ses fruits, que bienveillance et compréhension apportent plus qu’obligations et contraintes. Et où l’armure de l’adolescente en pleine affirmation de soi laisse passer tendresse et complicité. De l’art d’apprivoiser un chat.

