La voiture bleue

Dérouler le fil de ses souvenirs sur l’autoroute.

En ces temps de fêtes, les autoroutes sont encombrées quel que soit le jour de la semaine. On déménage de famille en belle-famille, de cousins en copains, les coffres débordant de paquets. Le flot des voitures s’écoule en vagues denses alors que les camions tracent la route, impassibles, majestueux.

Sur les aires de repos, les SUV dégorgent les familles engourdies. Les chiens se promènent au bout de leur laisse, la truffe émoustillée par la profusion des odeurs. Le froid presse tout le monde dans la chaleur de la cafeteria. Les machines à café ronronnent en continu. On se dépêche de remonter en voiture.

Les embouteillages resserrent le camaïeu de gris des carrosseries. On vient de sortir du brouillard et le bleu électrique de la voiture devant moi resplendit dans le soleil couchant. Le modèle n’est plus tout jeune. Les larges vitres laissent le regard entrer dans l’habitacle. Le châssis est sensiblement abaissé par la charge transportée.  Ils sont quatre. Les têtes se fondent dans l’ombre du toit. Les barbes se devinent dans le rétroviseur mais les silhouettes ont la minceur tonique de la jeunesse. Les mains qui s’animent en contre-jour dessinent des discussions passionnées. Un portable fixé au tableau de bord sert de GPS. Un autre apparaît de temps en temps. On devine la recherche d’arguments, la requête Google.

Absorbés par leur conversion, ils avancent sans chercher à se faufiler. Si bien que je reste un long moment derrière eux, absorbée dans les souvenirs de ces premiers voyages entre potes. Celui qui a son permis et la vieille voiture des parents. Une maison à la campagne où l’on fera un feu dans la cheminée. Le coffre chargé de victuailles et de boissons calées par quelques sacs de couchage. Les autres que l’on retrouvera sur place pour des soirées pleines de musique et de rires et des journées cotonneuses.

La voiture bleue emporte la douceur de ma mélancolie à l’échangeur suivant. La nostalgie n’est pas forcément triste. Je savoure ces apparitions radieuses du passé, en touches impressionnistes.

Soleil couchant sur une aire de repos de l’A10

Le luxe du voyage à faible empreinte carbone

Les prochains mois vont m’amener à voyager régulièrement vers les vignobles du Cognac. Pour plus de tranquillité, je souhaitais voyager en train.

Le temps de transport est globalement le même qu’en voiture puisque je dois compter le trajet de chez moi à la gare TGV, le temps de récupérer une voiture de location à la gare d’arrivée, puis le trajet jusqu’à ma destination. Mais je peux me reposer dans le train et il est considéré comme l’un des moyens de transport les moins polluants au monde. De quoi dormir sur mes deux oreilles.

Or il est impossible de dormir sur ses deux oreilles. Je ne sais pas qui est l’inventeur ou l’inventrice de cette expression mais il/elle devait avoir une drôle de tête pour être capable de dormir sur ses deux esgourdes en même temps. Notre anatomie ne nous le permet tout simplement pas. Et le train non plus.

Le repos et une meilleure empreinte carbone pour quelques euros en plus

Tout d’abord pour une question de prix. Essence et péages inclus, le trajet en voiture me revient à peu près à 90€. Soit 180€ aller-retour. La semaine dernière, alors que j’ai fait ce même trajet, j’ai réussi à acheter des billets aller-retour pour un peu moins de 120 euros. J’y ai ajouté la même somme pour disposer d’une voiture sur place. Les charmes de la campagne et des villages isolés… Résultat, quelques dizaines d’euros de plus que le trajet en voiture. Le prix de mon repos et d’une meilleure empreinte carbone. Ça se justifiait.

Pour une meilleure empreinte carbone, remplacer la location d’une voiture par un vélo

Emporter Pimprenelle

Alors que je dois y retourner dans quelques jours – j’ajuste les dates en fonction des contraintes du moment – je pense à troquer la voiture contre un vélo. Mon premier réflexe est de regarder les solutions pour emporter Pimprenelle – ma bicyclette électrique. Avec elle, je ne crains pas d’affronter quelques dizaines de kilomètres dans la campagne charentaise.

La SNCF propose le transport d’un vélo pour 10 euros supplémentaires, dans la limite des places disponibles, sur ses TGV Inoui. Il ne me reste qu’un choix d’aller et de retour direct. Mais aucune possibilité d’ajouter un vélo à ma réservation. Je pense que les quelques places pour les bicyclettes sont déjà prises. Logique, les vacances estivales sont déjà bien entamées.

Les autres billets disponibles sont des trajets avec une, deux ou trois correspondances. Compliqué avec Pimprenelle. Et mon temps de transport est multiplié par deux ou trois.

Louer un vélo sur place

Je ne me décourage pas et entreprends de louer un vélo dans la ville d’arrivée. La gare de TGV étant à 30km de ma destination finale, je cherche un loueur dans la petite ville desservie par le TER la plus proche. C’est une ville ravissante où le tourisme vert prend tout son charme. Les vélos y sont loués pour des balades à travers les vignobles ou le long du fleuve et non comme un réel mode de transport tel qu’on peut trouver dans les grandes villes. Les prix s’en ressentent. A la journée, c’est à peine moins cher que la location d’une voiture.

Je me tourne alors vers un loueur de vélo autour de la gare TGV. Il me faudra prendre un bus pour rejoindre l’agence de location associée aux transports publics de la ville. Sur le site, je n’ai aucune info sur le nombre de kilomètres qu’il est possible de faire avec leurs vélos. Normal, ils sont prévus pour rester en ville, dans un rayon de 5 à 10km. Tenté 60km est trop risqué. Un vélo électrique sans batterie c’est une plaie à pousser. Inenvisageable sur plusieurs kilomètres.

Pas question non plus de faire 30km sans assistance électrique. Trop fatiguant.

Je laisse tomber l’option vélo.

Le coût du train

Contrairement à mon dernier voyage, cette fois-ci mes billets coûtent plus de 200€. Et je dois y ajouter la location d’une voiture. Trop cher.

Je partirai donc à l’heure qui me convient. Je roulerai à mon rythme en écoutant un livre audio, un podcast ou de la musique. J’arriverai directement à destination et je profiterai d’une voiture sur place. Ce sera la mienne.

Le coût du train est trop élevé à moins de s’y prendre des mois à l’avance. Ou d’avoir un gros coup de chance que les tarifs, comme la semaine dernière. Or mes contraintes actuelles m’obligent à des adaptations de dernière minute.

Le voyage à faible empreinte carbone (train + vélo) est actuellement un luxe qui demande soit d’avoir du temps, soit d’avoir de l’argent. L’idéal étant d’avoir les deux. A quand une vraie politique publique pour favoriser ces modes de transport ?

Ta voiture en japonais

La voiture d’Olivier est au garage pour quelques jours. En remplacement, il a une jolie voiture électrique bleu ciel qui ragaillardit la grisaille des routes parisiennes. Au centre du tableau de bord, un immense écran tactile affiche toutes sortes d’informations.

Digne fille de son père, Eglantine a touché à tous boutons lors de notre trajet pour le cabinet e l’ergothérapeute. Ce qui lui a plu ? La possibilité de mettre la voiture dans de nombreuses autres langues. Elle a choisi le japonais, parce que les caractères sont beaux et parce que, vraiment, ça ne ressemble pas du tout au français. Elle riait d’avance en imaginant la réaction de son père.

J’étais un peu réticente. Je craignais qu’on ne sache pas remettre la voiture en français ensuite. Mais Eglantine avait bien repéré les pictos. Aucun problème.

Après le changement de langue

C’est seulement deux jours après qu’Olivier a pris sa voiture pour aller jouer au golf. Nous étions bien déçues, à son retour, quand il n’a rien dit sur l’affichage de sa voiture en japonais. Mais nous n’avons posé aucune question pour ne pas lui mettre la puce à l’oreille.

Lundi soir, il rentre du bureau. Toujours aucune réaction. N’y tenant plus, je lui demande s’il n’a rien remarqué d’étrange sur sa voiture. Alors il m’explique qu’il a passé presque une demi-heure avec Renault Assistance en arrivant au golf pour tenter de résoudre le problème. Il ne comprenait pas pourquoi sa voiture avait changé de langue… toute seule ! Il a aussi essayé de traduire les caractères grâce aux appli de traduction automatique sur son téléphone. Il en avait conclu que c’était du coréen. Mais n’avait pas trouvé le bon bouton pour aller dans les préférences de langue.

Un grand sourire sur le visage, Églantine gloussait encore quand elle est rentrée, après avoir remis la voiture de son père en français. Sa facétie avait fonctionné bien au-delà de ses espérances !