Insouciance nocturne

Douceur d’une nuit de printemps charmée par l’atmosphère de joyeuse fantaisie d’un spectacle de cirque.

Que les nuits de printemps peuvent être douces. Mon vélo file dans l’ombre dorée des rues désertes. Je viens de quitter l’Espace Cirque, l’orbe lumineux du chapiteau, les mélodies partagées autour d’une bière entre les derniers éclats du public, les équipes de l’Azimut, les techniciens et les artistes. Les accents qui se mélangent, chatoiements musicaux du sud et flâneries voyageuses de l’au-delà des frontières.

On a cherché les paroles sur les téléphones. Le guitariste a accompagné les belles voies, les fausses notes, les envolées enthousiastes, les hésitations marmonnées. La tessiture veloutée de la chanteuse s’est tue peu à peu. Le karaoké improvisé a remplacé le concert de Sarah et les keurs sauvages. Sfumato musical sous les guirlandes lumineuses.

Olivier et Églantine sont rentrés après le spectacle du cirque Aïtal, A ciel ouvert. Un cirque sans chapiteau. Les gradins sont répartis dans des caravanes pleines de surprises. Campement nomade dont le cercle délimite la piste. Cercle poreux puisque le jeu est permanent entre intérieur et extérieur.

Les portes des roulottes sont autant de passages secrets vers un imaginaire foisonnant. On y croise des poules et des canards, des cuivres de toutes les tailles, une contrebasse, un violon et autres accessoires insolites. Des palombes s’envolent tout comme cette acrobate aux muscles fermes et aux lignes délicates qui s’élève jusqu’au ciel, légère comme une plume, fière comme la liberté, envoutante, drôle, souveraine.

Elle est aussi menue que son partenaire est colossal. Géant aux boucles brunes, barbe broussailleuse. Ses jambes sont des colonnes doriques, ses bras des grues puissantes. Et pourtant… c’est de la douceur qu’il susurre aux oiseaux,  de la légèreté lorsqu’il s’échappe vers le ciel, se métamorphosant en nuées de plumes virevoltantes.

Duo tout en équilibre poétique et fantaisiste. Entouré de personnages loufoques, musiciens autant qu’acrobates, diffusant une atmosphère suspendue entre ciel et terre, merveilleux et prosaïque.

Mon vélo file dans la nuit et dans ma tête vibrent encore ces étoiles de bonheur. A la maison, des scouts se sont installés dans le jardin. Hortense les a rejoint après sa séance de plongée. Murmures de voix sous le bruissement des arbres.

Insouciance nocturne qui absorbe les contrariétés de la semaine. Magie de ces vies qui se croisent et se réchauffent. Dans une maison de famille, sous un chapiteau, une roulotte, une toile de tente ou la voûte céleste.

Brume matinale

8h du matin. Un dimanche au parc de Sceaux. Fin d’été. Les feuilles mortes craquent sous les roues de mon vélo. Seul.es quelques coureur.euses animent les allées dans la fraîcheur des platanes. En arrivant aux loges des artistes de la compagnie XY, mon regard est happé par la brume vaporeuse qui habille la grande plaine où aura lieu le spectacle. Le soleil matinal diffuse un atmosphère moelleuse dans laquelle se noient les installations du théâtre.

Dans mon dos, soudain, un bruissement, un froissement. Deux écureuils se poursuivent bruyamment dans un grand Séquoia. Leurs fourrures rousses tournent autour du tronc puis disparaissent dans les hautes branches.

Saisir l’émerveillement.

Quelques minutes plus tard, la brume sera dissipée. Les techniciens termineront les installations. Les premiers spectateurs arriveront pour profiter du spectacle offert par les vingt-quatre acrobates, peaux bronzées, corps musclés, costumes noirs. Une Nuée acrobatique qui traversera la grande plaine en figures silencieuses avant d’attiser la scène sur les rythmes baroques de Rameau et Lully puis de s’approprier le gué traversant le canal dans d’amples éclaboussures. Cavalcades scandées de voltiges virtuoses, tableaux poétiques au son de l’eau qui gicle.

J’ai trouvé cette vidéo pour vous donner une idée. A imaginer au coeur d’un parc à la française et dans l’eau de son canal.

Retrouver ses mots dans un moment suspendu

Village de montage. Maisons resserrées de pierre sombre, venelles tortueuses. Sempiternel bruit de l’eau claire qui coule joyeusement dans les rigoles le long des rues. Elle vient de la montagne qui domine tout horizon. Haute, fière, saupoudrée d’une neige chaque année plus rare.

Il est déjà tard. La route fût longue. Un arbre affalé en travers de l’autoroute en quittant Paris, embouteillages immédiat. Sur les petites routes de montagne, nous avons grand ouvert les fenêtres de la voiture. Laisser les mains s’envoler dans le vent. Sentir les odeurs de forêt, d’herbes sèches, de pierre chaude et de plantes vivaces dont on ne connaît pas les noms. La bouse de vache aussi, parfois. Le pot d’échappement des motos qui doublent en vrombissant s’estompe heureusement assez vite.

Une pause au dernier col dans cette miellerie que nous aimons tant. L’air frais qui ébouriffe les cheveux. Le soleil qui réchauffe la peau. La montagne, majestueuse, gouverne la perspective, domine les vallées qui s’étirent de chaque côté du col, écrase les humains qui s’agitent sur le parking en contrebas autour des restaurants et des boutiques de souvenir. Fin de randonnée ou pause sur la route, comme nous.

Vue depuis la voiture alors que nous quittons le col du Lautaret

Dans le petit village, il faut faufiler la voiture au milieu des derniers randonneurs, sacs à dos ventrus, grosses chaussures poussiéreuses, bâtons de marches cliquetant sur le bitume, et des familles aux enfants fraîchement douchés, des ultimes courses à la supérette, des premiers apéros en terrasse et des barrières interdisant de circuler autour de l’église.

Le temps de s’installer sous les voûtes fraîches de la maison séculaire et la musique résonne sur la place du marché. Une femme est suspendue sur l’un des côté du clocher carré. Elle danse en défiant les lois de l’apesanteur, guidée par les notes légères du guitariste qui l’accompagne au sol. Une autre femme réalise, solitaire, la même chorégraphie sur l’autre côté. Nous l’apercevons par intermittence. Puis de plus en plus souvent, chacune passe la tête du côté de l’autre. Petit à petit, elles jouent à se découvrir, se rapprochent puis s’éloignent, parcourant telles des anges blancs toute la paroi du clocher. On ne serait pas surpris de les voir s’envoler vers la lune déjà imprimée dans le ciel bleu de cette fin de journée d’été.

Spectacle aérien « Suspend »

Ce moment suspendu, l’air vif, l’eau fraîche, le calme serein de la maison apaisent les angoisses qui m’étreignent depuis des semaines.

Le jour se lève à peine sur mon insomnie. Un chat passe tranquillement devant la fenêtre. Je suis heureuse d’avoir retrouvé des mots à partager avec vous.