L’éclat des félicitations

Eglantine a eu les félicitations lors de son premier conseil de classe de seconde. Sortie de l’hôpital pour bientôt. La confiance revient.

La nuit est déjà tombée depuis longtemps quand je reçois un sms. Eglantine me transfère le message de sa prof principale. Mme M. lui annonce qu’elle a eu les félicitations lors du conseil de la classe de seconde de la clinique. Ma grande fille rayonne dans sa chambre d’hôpital quand elle nous appelle un peu plus tard en Facetime.

Les médecins avaient beau dire qu’elle n’aurait aucun problème à reprendre sa scolarité, je pense qu’Eglantine doutait d’elle. Avouons que nous aussi. Son passage en seconde, arraché de haute lutte alors qu’elle n’avait pas mis les pieds en cours depuis le mois de novembre, nous avait laissé le goût amer de l’incertitude. Avions-nous fait le bon choix ? N’aurait-il pas été préférable qu’elle refasse une troisième complète, plutôt que de se lancer dans le nouvel univers du lycée avec les lacunes de ses mois d’absence ?

Eglantine exprime peu ses sentiments. Sa joie d’hier me laisse deviner les doutes qui la tenaillaient elle aussi. Les médecins étaient confiants, les tests assuraient qu’elle avait les moyens intellectuels. Pourtant, la réalité était que, depuis deux ans, elle avait été plus souvent absente que présente en classe, clouée au lit par la douleur et la fatigue. Comment pouvait-elle se situer scolairement ?

Notre Petit Oiseau a retrouvé les notes excellentes auxquelles elle était habituée. Elle est enchantée quand elle regarde ses résultats sur ProNote. Elle regagne sa confiance en elle.

Les douleurs semblent réellement avoir disparu. La fatigue est de moins en moins palpable. Quand elle rentre de l’hôpital le week-end, Eglantine passe de moins en moins de temps dans son lit. Elle participe à la vie familiale, discute avec nous, joue avec sa sœur.

Prochaine étape, la journée d’adaptation dans son lycée, lundi 14 décembre.

Errance thérapeutique

Il y a des mots un peu flous qui cachent un grand désarroi. J’ai appris la semaine dernière un nouveau terme : errance thérapeutique. J’ai parlé ainsi avec une maman qui a erré douze ans avant que ne soit établi le diagnostic correct pour sa fille et qu’elle puisse enfin la soigner. J’avais également discuté avec une maman qui avait erré plusieurs années avant que ne soit établi un diagnostic pour sa fille. Diagnostic dont l’importance se mesure à l’aune du traitement thérapeutique mis en place puis de la guérison ou, du moins, de la possibilité de retrouver une vie normale.

Ces deux mamans ne faisaient pas face à la même maladie. Mais elles ont chacune vécu ce que nous commençons tout juste à appréhender, cette fameuse errance thérapeutique. Ces jours d’incertitude qui se transforment en semaines puis en mois, voire carrément en années. Notre Petit Oiseau est malade depuis cinq mois sans que nous ne trouvions l’origine de ses maux de ventre et de son intense fatigue. Son état se détériore petit à petit.

En janvier, nous avions cru identifier le problème. Une gastro qui aurait provoqué une intolérance au lactose. Remise sur pied, Petit Oiseau a repris les cours et retrouvé ses nombreuses activités avec la joie de vivre qui la caractérise. Mais début mars, patatras, les douleurs reviennent en force. Ensuite elle n’a eu qu’une semaine de rémission de ci de là. Fin avril, déjà, ces moments de répit se limitaient seulement à un jour ou deux. Depuis le début du mois de mai, Petit Oiseau ne profite plus d’aucun moment de paix et son minima de douleur est de plus en plus fort.

Or les pistes médicales mènent toutes à des impasses. Certes, il est réjouissant de constater qu’elle n’a pas telle ou telle maladie, ou syndrome. Mais, en attendant, le temps passe sans que nous ne réussissions à la soulager.

Notre Petit Oiseau ne quitte plus son lit que pour aller à des rendez-vous avec des médecins que je redoute à chaque fois de rencontrer. Ils feuillètent le porte-vues dans lequel je range tous les documents et analyses accumulés depuis le mois de janvier, constatent que tout est normal, expliquent que ça ne peut pas être ceci ou cela, et merci donc de chercher dans une autre voie. Laquelle ? Eux ne savent pas, puisque ce n’est pas leur spécialité.

Je me sens comme une abeille coincée dans un bocal en verre. La sortie semble à portée d’ailes et pourtant, chaque fois que je pense avoir trouvé un passage, je me cogne contre la paroi. Or, plus le temps passe, plus le brouillard se forme autour de nous. Nous voilà embarqués sur un bateau qui dérive, moteur en panne, avançant au hasard, ramant pour approcher certaines côtes avant de réaliser que ce n’est pas le bon chemin. D’île en île, je n’ai qu’à espérer que nous trouverons enfin la terre promise. Celle qui nous permettra de retrouver cette jeune fille pleine de vie, d’enthousiasme et d’énergie que nous aimons tellement fort.

L’errance est un cheminement, une sorte de voyage dans lequel nous sommes embarqués malgré nous et qui s’annonce long et tortueux.