Chemise rouge

Hier, Hortense avait six ans, était haute comme trois pommes et portait deux couettes. Elle entrait chez les Farfadets avec un polo vert clair. Elle observait le monde avec ses grands yeux noirs, avide d’imiter sa grande sœur, soucieuse de ne pas trop s’éloigner de nous. Le camping, c’était encore les souvenirs de notre tente orange sur une plage sauvage de la mer Noire en Roumanie, le feu sous les étoiles, bercé par le ronronnement des vagues et la guitare de Régis.

Hier Hortense découvrait la toile épaisse des tentes scoutes, les pieds qui dépassent parfois dans l’herbe humide, les petits matins frais, la corvée d’eau, de bois ou de vaisselle.

Aujourd’hui, elle a enfilé une chemise rouge, taille adulte, bardée d’écussons et de badges récoltés au cours de sept belles années de scoutisme. Les Rouges, ce sont les grands qui rient fort, qui se couchent plus tard lors des veillées de groupe, qui chahutent beaucoup, qui portent les plus petits sur leur dos, qui savent monter une tente ou une table à feu les doigts dans le nez (ou presque), mais qui ont le plus de contraintes lors des grands jeux pour laisser une chance aux plus jeunes de gagner.

Aujourd’hui, Hortense n’a qu’une hâte lors du traditionnel week-end de rentrée. Se retrouver avec ses ami.es, loin des parents. Les scouts, c’est un moment à elle. Les chefs, pour la plupart, elle les connaît déjà. Ils ont grandi ensemble. Beaucoup de respect, énormément de complicité. La caravane (le nom de l’unité) n’a rien d’un mystère non plus. Les Rouges, c’est un passage important vers l’âge adulte. Ici, on n’est plus chez les petits.

Au week-end de rentrée, les anciens de chaque unité accueillent les nouveaux avec un rite de passage. Cette année, les anciens Rouges étaient assis les uns derrière les autres. Les nouveaux Pionniers et les nouvelles Caravelles se jetaient sur leurs compagnons, portés par une vague de bras levés jusqu’à la fin de la file.

Il est question de confiance, d’entraide, de force du groupe, de bienveillance et de connivence. Ça se charrie gentiment, ça s’accueille chaleureusement.

Nous nous sommes éclipsés discrètement avec les autres parents.