Il y a deux ans, le théâtre d’Antony ouvrait ses portes toutes neuves. Dans ses sous-sols, quatre loges et deux foyers à peine meublés. Quelques tables, des chaises, des piles d’assiettes et de verres à pied posées sur les longs plans de travail. Aucun meuble pour les ranger. Deux micro-ondes dans le foyer Avignon, celui des équipes techniques, un dans le foyer Bussang, celui des artistes.
L’habilleuse avait immédiatement habillé les lieux. Les tables avaient été recouvertes de toiles cirées aux couleurs végétales, motifs géométriques et modernes, loin des fleurettes de grand-mère. Un jour, deux vieux fauteuils rouge et noir, on dit vintage, sont arrivés. L’assise mériterait d’être refaite mais, tout de suite, ça donnait un aspect plus cosy au lieu. Une table basse a complété l’ensemble. Puis les techniciens ont construit des meubles avec du bois de palette. Un petit canapé. Un meuble pour poser les enceintes. La musique c’est important pour l’ambiance.
Et l’habilleuse continua d’habiller. Des coussins, des petits rideaux pour cacher le vide sous les éviers. De gros frigos orange au look diner seventies ont apporté une touche de chaleur et de lumière dans chacun des foyers. Chacun y range ses petites provisions. Un jeu de fléchettes est apparu sur un mur. Des autocollants fleurissent discrètement au-dessus des portes, dans les coins puis sur la série de casiers métalliques installés plus tardivement.
Un canapé, vintage aussi, joli mot pour cacher les tâches sur le tissu. Le théâtre a fait le choix de la seconde main dans une volonté d’économie circulaire. Les meubles changent parfois de configuration. Jusqu’à trouver la bonne. L’ensemble donne un lieu chaleureux et vivant alors que les locaux neufs manquaient un peu d’âme à l’origine. Surtout dans ce sous-sol sans fenêtre.
Dans les loges, des chaises de velours moutarde ont été installées devant les grands miroirs entourés de grosses ampoules. Des fauteuils et des canapés de velours bleu canard, convertibles, pour les artistes qui veulent se reposer. Petit à petit, de récup en achats, de première ou de seconde main, en passant par un peu de bricolage, le sous-sol du théâtre fleurit comme un cerisier au printemps. Le confort s’améliore, se répand, s’épanouit.
Alors que je reviens après deux mois d’absence, le dernier meuble en bois de palette a disparu du foyer des techniciens. Désormais, les enceintes sont posées sur un meuble télé en métal et verre. Un truc froid et sans âme. Dommmage. Heureusement, il reste les livres posés sur les étagères du bas. Un guide de la Bretagne. Quelques livrets de Phèdre !, deux programmes de la saison passée, des sous-bocks en carton, des flyers, des marques-pages, des câbles de toute sorte et des serres livres en bois sombre, deux visages sculptés d’inspiration africaine. Et un petit ambour récupéré un jour par un technicien, abandonné sur un trottoir.

Chacun amène sa touche de couleur. Son objet qui lui donne l’impression d’être un peu chez lui. Quand les heures de travail s’enchaînent, qu’il faut monter, démonter, ajuster sans cesse, le foyer est l’endroit où se détendre, reprendre des forces, se reposer.
Pendant un temps, on y trouvait même un paquet de croquettes pour chat. Chaque lieu a ses mystères…
