Judo

Eglantine se précipite dans son vestiaire alors que j’accompagne Hortense de l’autre côté du couloir à son cours de danse. Dès que mon petit rat a passé la porte de sa salle, je traverse le vestiaire filles du dojo 1 et rejoins ma grande en plein échauffement judoka. Elle rayonne, court joyeusement et retrouve avec plaisir Olivier et Jacques, forces tranquilles d’un sport qui relève d’un art de vivre, ceintures noires à la patience d’ange, professeurs passionnés.

Eglantine saute le plus haut possible à la corde à sauter avec sa ceinture blanche. Elle prend de l’assurance dans ses chutes, s’amusent des défis des petits combats et tente de mémoriser les noms japonais des prises qu’elle apprend.

Elle dégage pendant une heure une plénitude chargée d’énergie dont le spectacle ne me lasse pas.

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Roses d’hiver

RER B. Direction Châtelet. Un joli bonnet en polaire sur de doux cheveux blancs dont les mèches encadrent de fines lunettes. Sortant de la poche d’un manteau de laine sombre, un fil rose bonbon qui remonte jusqu’aux oreilles d’une jeune femme dont les joues ont aussi rosi sous l’attaque du froid. Posé sous un siège, un sac de toile rayée dans un camaïeu de roses sur fond blanc est coincé entre les barreaux d’un épais pantalon noir. Du coin de l’œil j’aperçois également un morceau de sac plastique rose vif qui pointe dans l’ouverture d’un sac à main. La jeune femme en face de moi tapote nonchalamment l’écran de son téléphone qu’elle a revêtu d’une protection vieux rose.
Floraison des roses d’hiver. Envie de printemps.

P’tit gars du métro

Ligne 6. Direction Pont de Sèvres. Il doit avoir 12 ou 13 ans. Il a pris place d’un mouvement impérieux au milieu des adultes. Il a aussitôt sorti de sa poche un vieux Blackberry dont l’écran n’est pas tactile. Il joue de la molette avec un pouce expert qui fait défiler les menus à une vitesse hallucinante. Dans la coque transparente, il a coincé un bout de feuille à grands carreaux, secret d’écolier. Il passe une bonne partie du trajet à faire des selfies approximatifs en retournant son téléphone. Il regarde le petit objectif avec le sérieux d’un titi parisien. Quand un chanteur de métro fait un discours sur le mal logement avant d’entamer une chanson militante sur le thème de Moi j’suis pas Charlie, vive la révolution, tous des cons, il me sourit en disant : « il est pas Charlie mais Charlie Chaplin lui « .

Une journée d’hiver

Mes malles se font la malle. Avec Nath-Nath et Kettie, mon abri de jardin se sépare sous la pluie des souvenirs d’une autre vie, celle de l’ancienne propriétaire. Quelques vieux livres d’enfants, des cahiers d’écriture et des morceaux de tissus. Des morceaux de bois, des pièces de jouets et du vieux plastique desséché. Nous trions, jetons et gardons aussi un peu. La petite voiture transportera bien une araignée encore accrochée à l’une de ces anciennes cantines militaires qui me prenaient tant de place. Seules trois d’entre elles, très abimées et fort rouillées attendent sous le grand cèdre le prochain passage des encombrants.

Dans un coin du jardin, les outils effrayants et bruyants de l’élagueur attendent dans un sommeil métallique le retour du petit homme qui a peur des chats. Les arbres deviennent des rideaux qui nous protègeront au printemps des regards des voisins. C’est beau.

Toute cette animation a fini de remettre du baume au cœur d’Eglantine qui s’ennuie ferme quand elle est malade à la maison. Deux jours sans les copines, elle tourne en rond. Elle voulait rire aussi avec les amies de maman. Les oreilles traînent et attrapent les conversations. Eglantine fait des démonstrations, magie de faire un nœud juste en croisant les bras.

Magie des vies qui se croisent, des imprévus et du temps perdu, des amis retrouvés ou découverts et de l’hiver qui crée l’intimité au creux des maisons.

Premier rdv à La Défense

La Défense. Grande dalle grise. Le soleil se reflète sans éclat dans les vitres aveugles des grandes tours. Pas de plan. A l’opposé de la Grande Arche où je suis sortie, je trouve enfin la tour Atlantique. Dans le long hall de marbre blanc, personne à l’accueil. Les immense plaques sur le mur m’indiquent que RM se trouve au vingtième étage. Prendre le bon ascenseur. Sur l’écran plat de la salle d’attente s’affichent des prénoms de toutes les couleurs. « Ils ont trouvé du travail ! ». J’ai rendez-vous dans une minute.

Danseuse étoile

Prendre rapidement le goûter en rentrant de l’école. Enfiler le collant et le body à la jupe légère. Nouer le cache-cœur. Épingler le chignon. Attraper les dernières mèches dans les barrettes. Retirer la doudoune dans le vestiaire. Enfiler les petits chaussons roses assortis à la tenue. Et tourner, tourner, tourner en attendant de se mettre en rang devant la porte de la salle quand la prof l’ouvrira.

Le carrelage blanc du vestiaire a la tristesse des hôpitaux. Ma petite danseuse, elle, virevolte dans la voie lactée de ses rêves.

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Maquillage

RER B. Elle ouvre sa petite palette Dior. Ses doigts passent rapidement de la boîte brillante à son visage. Les légères imperfections de la peau disparaissent rapidement sous ses gestes à l’habilité furtive. Elle s’essuie la main sur un mouchoir en papier blanc. Elle sort nerveusement des différentes poches de son sac un peu de poudre, du fard à paupière, de la crème pour ses mains. En moins de cinq minutes elle a le teint frais et les joues roses. Elle pose ses lunettes sur son nez et plonge dans son téléphone rouge.

Marcher ensemble

Les portillons du RER sont grands ouverts. Nous rangeons nos tickets. Nous laissons passer un premier RER bondé et trouvons deux places assises dans le suivant. Nous prenons les filles sur nos genoux. Le temps d’arriver au cœur de Paris, les gens se serrent comme des sardines dans les couloirs de la rame. Nous pensons descendre à Châtelet pour rejoindre la place de la République à pied. Lorsque le train entre dans la gare, nous découvrons les files d’attente aux pieds des escaliers pour quitter le quai. Nous descendrons donc à Gare du Nord et marcherons. D’autres centaines de personnes ont la même idée. Un cortège se forme boulevard Magenta. Nous mettons une heure et demie à rejoindre la station de métro où nous avions rendez-vous. Impossible d’avancer. La foule se resserre. Les filles fatiguent. Elles ont du mal à comprendre cette foule qui piétine en silence. Quelques applaudissements. Des cris qui s’élèvent par vagues calmes. Des drapeaux de toutes les nations. Des panneaux fabriqués à la maison pour délivrer des messages personnels, chacun veut expliquer pourquoi il est là. Les raisons sont nombreuses. La Liberté d’expression, le refus du règne de la terreur, la solidarité avec les victimes. Des inconnus qui sont tous juifs, musulmans, athées, policiers, dessinateurs. Tout. Mais surtout pas terroristes. La mode est au chignon à crayons. Soudain un homme hurle au milieu de la foule « Attention, j’ai une arme de destruction massive ! Reculez ! ». Il tient dans sa main un immense crayon en papier mâché.

Je suis Charlie

En regardant les images ce soir, les filles ont mieux compris l’ampleur du mouvement, l’importance du symbole. Puisse la tolérance prônée aujourd’hui ne pas retomber sous les coups de feutres gris des quotidiens individuels.

Au cœur des amis

Délaissé le club photo du vendredi soir, même avec la perspective d’une alléchante galette. Nous avons rejoint plein d’anciens de Bucarest pour une dégustation des vins roumains et bio de Denis et Christine. Les Domaines Franco-Roumains ont été pour nous, admettons-le, un immense prétexte à retrouver ces têtes familières à Bucarest et que nous ne croisons que très peu depuis nos retours en France.

Puis samedi, dernier déjeuner de Noël-Nouvel-An-Galette pour rattraper le temps perdu avec des amis chers. Des copines d’Eglantine qui dorment à la maison. Jouer à Dixit à la lumière des lampes de poches dans la chambre, se jeter sur les matelas par terre depuis le lit pour des cascades de fous rires, pouffer dans les oreillers alors que le soleil se lève à peine, partager de folles parties de Minecraft sur les iPad. Les filles ont passé un bon week-end.

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Dimanche, on a tout annulé pour aller marcher. Comme quatre millions de personnes en France.

Jean Pautrot au Job booster Cocoon

Impensable de rater la réunion du vendredi. L’otite d’Hortense s’est calmée. Elle est à l’école. Je peux me rendre sereinement au Job Booster Cocoon où nous attend une magnifique surprise. Un invité passionnant. Jean Pautrot qui nous parle des compétences, à ne pas confondre avec les expériences. De l’art de les mettre en mots, de la manière de les présenter. Cet homme qui n’a jamais connu l’expatriation pour lui-même tient un discours limpide sur ce que nous vivons, qui nous sommes, nos attentes, nos besoins et nos petits travers. Recul et intelligence des propos, nous sommes captivées.

Une séance belle comme ce rayon de soleil qui transperce le ciel gris alors que je jette un œil par la fenêtre du RER.

PS : Jean Pautrot est Président du Cercle Magellan, coach pour expatriés et ancien DRHI d’EDF.