Carnet d’inspiration

Chantoune a ramené de Florence de beaux carnets aux pages colorées qu’elle a offerts aux filles avec des stylos dorés. Eglantine a était inspirée et nous a écrit ce soir un très beau poème.

Dans mon petit cœur
Dans mon petit cœur
Il y a de l’amour
Et, on voit la vie tout en rouge
De la joie
Et, on danse comme une oie.
Du courage et hop, hauts les cœurs !

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Une odeur de tilleul

Il y avait Mamité à Vernou, les vieilles pierres du Prieuré recouvertes de lierre, la porte de la cuisine entrouverte sur la longue table et là, dans l’arrière de la cour, entre le gravier et la pelouse, l’énorme tilleul qui accueillait tous les repas d’été.

Quelques lignes dans « Une gourmandise » de Muriel Barbery, et j’étais sous le tilleul, c’était l’été et Mamité lisait dans un transat. Parenthèse hors du temps, qui passe et qu’il fait, dans le RER B.

« Surtout, il y avait le tilleul. Immense et dévorant, il menaçait d’année en année de submerger la maison de ses ramages tentaculaires qu’elle se refusait obstinément à faire tailler et il était hors de question de discuter de la chose. Aux heures les plus chaudes de l’été, son ombrage importun offrait la plus odorante des tonnelles. Je m’asseyais sur le petit banc de bois vermoulu, contre le tronc, et j’aspirais à grandes goulées avides l’odeur de miel pur et velouté qui s’échappait des fleurs d’or pâle. Un tilleul qui embaume dans la fin du jour, c’est un ravissement qui s’imprime en nous de manière indélébile et, au creux de notre joie d’exister, trace un sillon de bonheur que la douceur d’un soir de juillet à elle seule ne saurait expliquer. A humer à pleins poumons, dans mon souvenir, un parfum qui n’a plus effleuré mes narines depuis longtemps déjà, j’ai compris ce qui en faisait l’arôme ; c’est la connivence du miel et de l’odeur si particulière qu’ont les feuilles des arbres, lorsqu’il a fait chaud longtemps et qu’elles sont empreintes de la poussière des beaux jours, qui provoque ce sentiment, absurde mais sublime, que nous buvons dans l’air un concentré de l’été. Ah, les beaux jours ! »

Approche chirurgicale 

Son corps jeté en arrière sur sa chaise, elle croise les mains, se frottant les doigts comme on aiguise un couteau. Les candidats écoutent la présentation de l’un d’entre-eux. Elle tranche, coupe, fend l’air de ses remarques. Ni malveillante, ni bienveillante, elle joue les griffes du recruteur félin qu’elle nous imagine devoir rencontrer. Voix grave, coupe masculine, pas de maquillage, ses seules coquetteries sont quelques anneaux de diamants à son annulaire gauche et ses lunettes assorties au rouge de son bracelet montre. A l’instar de ses collègues ses vêtements noirs ont le sérieux de ceux qui savent, docteurs en recherche d’emploi. Elle cite des exemples grandioses de personnes remarquables, directeurs, directrices, cadres supérieurs. Je me sens hors cadre avec mon projet de communication digitale sans autre envergure que de réussir à trouver un travail qui corresponde à mes compétences et à mes valeurs après dix ans d’expat jubilatoires. Elle pense grands comptes, je pense harmonie. Elle pense fric, je pense valeur. Je ne souhaite pas diriger le monde ni vendre la lune. Derrière la lame affûtée de ses remarques, ses moues dubitatives et ses sourires sans chaleur, elle taille en pièces nos illusions, nos faux-semblants et nos approximations. Chirurgie nécessaire d’un retour sur le marché du travail ?

Cette tour de verre à La Défense me livre bien des clés et des pistes pour la recherche d’emploi. Cependant elle me laisse aujourd’hui un goût de scalpel dans la bouche.

Gratin voyageur 

La porte vitrée laisse entrevoir les tons chauds d’une croute dorée. En tournant la clé dans la serrure au retour de l’école, nos narines déjà étaient assaillies par l’odeur du mercredi. En Roumanie, le mercredi, Elena nous préparait souvent un gratin de pommes de terre avec des lardons. En continuant à Paris, il nous semble toujours que le sourire d’Elena va apparaître en même temps que le gratin sortant du four. Et quand les patates fondent dans nos bouches, nos pensées filent rejoindre les souvenirs de la Strada Aron Cotrus à Bucarest. 

Il va falloir essayer les gogosi pour qu’Elena soit encore plus avec nous. 

Solirun

Le réveil me tire du sommeil. Je me traîne jusqu’à la chambre d’Eglantine. Elle a aussi du mal à émerger. Nous chuchotons comme deux comploteuses. Quand nous sortons dans le froid de ce dimanche matin, Olivier et Hortense dorment encore. Dans le Bois de Boulogne, le parking de la Solirun est loin d’être plein. Les enfants courent les premiers, dossard accrochés aux maillots oranges, la puce électronique fixée à la chaussure. La musique brésilienne donne de la chaleur à l’échauffement. Enfin Eglantine s’élance pour 2 km. Il y a longtemps qu’elle n’a pas couru et elle est parmi les plus petits de son groupe qui regroupe les 10-15 ans. Je sais qu’elle sera dans les dernières. Elle le sait aussi mais elle donne le meilleur d’elle-même, puisant dans ses ultimes forces pour dépasser une autre petite fille dans le sprint final.

Elle est heureuse d’avoir couru, de s’être battue, peu importe qu’elle soit loin du podium. Elle a le sourire.

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La Solirun est une course qui est organisée chaque année au profit d’Habitat et Humanisme, association de réinsertion par le logement.

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Une étoile d’or dans les yeux

Olivier marche d’un pas soutenu. Hortense et moi courrons un peu derrière lui à la lueur des lampadaires. Nous entrons dans la rue de l’école. Hortense galope vers le groupe de parents déjà amassés devant les grilles. Les phares du bus apparaissent alors à l’autre bue de la rue. Nous sommes impatients de retrouver Eglantine  qui rentre de deux semaines de classe de neige. Trois lettres (dont la dernière arrivée ce matin), un petit mot et quelques photos sur le site de la mairie, nous sommes avides de nouvelles fraîches et abondantes. Eglantine est assise sagement vers l’avant du bus.  Plus qu’une vitre entre elle et nous.  Hortense trépigne de joie, fait de grands signes à sœur et tombe par terre d’excitation. Nos mains font des cœurs, s’envoient des bisous.  Nos visages s’étirent en sourires radieux.  Quand elle descend du bus, les deux sœurs s’étreignent passionnément. Plus qu’une paire de sourires. « Et alors ton étoile d’or ? » Nous n’en revenons pas. Trois semaines après son étoile de bronze, Eglantine  a décroché l’or.  

De retour à la maison, nous partageons un bon dîner tous les quatre. Tornade de joie, avalanche de paroles. Dégustation de miel.  Étalage de la quinzaine de cartes qu’elle a reçues. Histoires de bobos.  Histoires de rencontres.  Histoires de partage. Eglantine compose sa vie comme on chante une chanson, en chœur et en solos. Ce soir nous sommes l’orchestre qui a retrouvé son premier violon. 

La porte de sa chambre est fermée sur l’immensité de ses rêves. La lune n’éclaire plus son lit vide alors que je vais me coucher. Nos cœurs sont pleins.  

Eclats de gouttes

L’éclat de lumière nous laisse à peine le temps d’apercevoir la colonne d’eau qui remonte dans le verre où viennent de tomber les deux gouttes. La collision forme une corolle quelques millimètres au-dessus de la surface. Les trois flashs retournent à l’obscurité. Encore quelques secondes et l’image apparaît sur l’écran de l’appareil photo fixé au gros trépied. Gouttelettes éclatées ou perles aquatiques concentrées, nous figeons l’éphémère beauté de l’eau dans des tons de bleu, rouge, jaune ou vert. Tout dépend du filtre appliqué sur les différentes sources de lumière. Nous jouons les aquarellistes de la photographie. Nous extasiant sur les surprises de l’eau qui jaillit dans l’éclair de lumière aveugle.

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Derrière la poésie des photos, la rigueur de la technique. Mickaël (www.mickaelfischer.fr) nous a tout préparé pour cet atelier spécial gouttes. Il a lui-même construit la structure en métal sur laquelle est accrochée une grosse seringue reliée à un tube qui tombe jusqu’à la valve électronique. L’ordinateur auquel elle est reliée gère la distribution des gouttes grâce à un programme développé par Mickaël himself ! Pour qui est équipé d’un Nikon comme lui, il n’y a plus qu’à fixer sa caméra sur le trépied, régler le cadrage et la mise au point, puis brancher le cordon qui reliera l’appareil à l’ordinateur. Un dernier lien se fait entre l’ordinateur et les trois flashs placés derrière et sur le côté de la structure. En cliquant sur un bouton, l’ordinateur déclenche la chute des gouttes, les flashs et l’appareil photo. Il ne reste plus qu’à voir si la récolte est bonne. Et recommencer encore et encore, changeant des micro-détails en espérant trouver celui qui nous donnera la plus belle photo de collision de gouttes.

Je n’aurai jamais la patience de recommencer un tel montage technique et chronophage chez moi. Mais les fous rire de cet atelier éclairent encore le fracas silencieux des gouttelettes.

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Montmartre et Dali

espace_dali_paris_2015_03_blog-1Vite à la sortie de l’école nous nous dirigeons vers le Mac Do alors que les copines prennent le chemin de la Cour des pâtes. Cet après-midi, Hortense et moi partons faire une petite virée à Paris. Dans le RER, Hortense aime répéter le nom des stations que la voix enregistrée égraine sans relief. Metro Anvers. Passer le long de l’Elysée Montmartre dévastée. Remonter la ruelle pavée au milieu des marchands de souvenirs. Alors que nous faisons un détour par le marché Saint-Pierre, Hortense rêve devant les tissus brillants du rayon des déguisements. En bas des escaliers qui montent au Sacré-Cœur, le manège est silencieux. Il se met en route pour Hortense, juchée sur un cheval au premier étage, sous le toit. Le manège est à elle. Elle tourne au rythme de ses rêves.

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Magie du funiculaire et découverte de Paris vu d’en haut. La ville s’étale dans une légère brume laiteuse. Le soleil pointe. Les manteaux se portent à bout de bras. Avant de partir, un haut-parleur crache une musique rythmée. Tee-shirt de la Guinée et bonnet sur la tête, un jeune homme entame un numéro d’équilibriste avec un ballon de foot. Hortense ne le lâche plus des yeux. Les smartphones font des vidéos qui seront rapidement postées sur Facebook. Quand le footballeur équilibriste escalade le réverbère en faisant tourner le ballon sur un stylo qu’il tient dans bouche, Hortense n’en revient pas. Mais comment il fait maman ?!

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Elle serait bien redescendue par le funiculaire mais nous partons de l’autre côté. Place du tertre les pinceaux s’activent et Hortense aurait bien acheté un petit tableau avec une tour Eiffel rose à fleurs. L’espace Dali est encore désert quand nous y arrivons. Les montres molles prennent le temps de marquer l’esprit d’Hortense qui redessine dans son petit livret la fameuse moustache du peintre et quelques sculptures un peu étranges. Au milieu des œuvres du maître sont venus se glisser des artistes de Street Art, couleurs vives qui mettent en musique les pièces surréalistes.

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A la fin de la ballade, nous passons dire bonjour à mon ami Benoist qui tient une pharmacie non loin. Dans le RER qui nous ramène à la maison, Hortense regrette toutefois de ne pas avoir pu acheter une de ces tours Eiffel en métal qui brille, si possible rose.

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Retour au jardin

La lumière orange de la fin d’après-midi illumine encore le haut du cèdre. Une odeur de lilas flotte dans l’air. Le hamac a été sorti puis rentré, maintenant que l’ombre a gagné le jardin. Il a servi de balançoire à Hortense. Olivier y a pris son café pendant que je buvais le mien dans le fauteuil à bascule installé à côté. Nous avons déjeuné sur la terrasse. Assiettes de porcelaine blanche sur nappe à fleurs. Django reprend possession du jardin en même temps que nous. Il tend l’oreille vers le chant d’un oiseau caché dans les arbres, le froissement d’un sac en plastique dans un jardin voisin ou le klaxon d’une voiture au loin. Il est plus de 18h et je suis encore dehors, l’ordinateur sur la table de la terrasse, une tasse de thé fumant à côté de moi. Ma doudoune est accrochée mollement dans l’entrée.

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Dessins éphémères

Hortense s’est installée sur le tapis de sa chambre. Elle s’active au-dessus de son ardoise magique. Possibilités infinies de dessins éphémères. Dessins abstraits des jours de la semaine, nuages psychédéliques et châteaux merveilleux avec cachettes secrètes, créneaux et drapeaux. « Voici » me dit-elle en me montrant son dernier château. « Regarde les rideaux sont là ! »

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