Étayer la vie dans les courants contraires

Être autonome, paradoxalement, c’est aussi savoir accepter de l’aide. Mais c’est là que se trouve parfois la plus grande difficulté.

Autonome, adjectif emprunté du grec autonomos « qui est régi par ses propres lois » (Dictionnaire historique de la langue française d’Alain Rey).

Maman a toujours accordé beaucoup d’importance à son autonomie. Si bien qu’elle s’enferme dans un imaginaire lointain où seul règne encore sa propre loi. Dans la réalité, elle a besoin d’aide.

L’obliger à regarder la matérialité de sa perte d’autonomie est d’une violence cruelle. La dépouiller de ses illusions, c’est comme réveiller un enfant qui dort d’un sommeil paisible et profond.

Heureusement, j’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur des professionnelles d’une grande sensibilité et d’une efficacité dantesque : sa curatrice et la directrice de sa résidence autonomie.

Car l’autonomie, c’est aussi conserver un minimum de liberté de mouvement et de décision, quitte à accepter de l’aide. Accepter, s’en remettre à un autre que soi, lui donner un pouvoir qui semble perdu. Sentiment de laisser gagner la maladie alors que le déni dupe la perception. Le déni, drogue éphémère et fatale quand vient la chute.

Maman est sortie de l’hôpital et le combat s’annonce rude pour qu’elle accepte les aides dont elle a besoin. Pour qu’elle garde le plus longtemps possible une certaine autonomie, même relative, relayée, étayée. Qu’elle reste dans cet appartement douillet en face du clocher de l’église qui rappelle une place de village, à regarder passer les saisons dans les frondaisons des arbres qui entourent la résidence.

Un lieu où on la serre dans les bras quand elle revient de deux mois de soins. Un lieu où elle peut choisir de s’isoler dans son cocon ou de partager un moment chaleureux. Un lieu dont l’âme enveloppe de liberté les petites et grandes défaillances de ses résidents.

Ce soir, j’en ai gros sur le cœur. Je suis fatiguée. De répéter. D’alerter. D’effrayer. Pour que maman conserve encore longtemps cette autonomie qui se désagrège dans sa maladie. D’étayer sa vie au milieu de courants contraires.

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