La chute

Chute : fait de tomber, action de se détacher, fait de passer à une situation plus mauvaise (Larousse). Inexorable, inévitable, malgré l’aide, malgré les alertes, il ne reste que l’impuissance face à la chute de ma maman.

Elle est tombée. Ça devait arriver. Ce n’est pas la première chute. Jusqu’à présent, elle réussissait à s’en sortir avec quelques éraflures et des hématomes. En octobre, elle avait explosé ses lunettes. La peur l’avait amenée à accepter un déambulateur. On lui a choisi un truc de compet’, en métal vert, avec une assise en cuir. Beau, léger, maniable. Pas ce truc en plastique noir qui hante les couloirs des EPHAD.

Mais un déambulateur, même le plus beau, c’est pour les vieux. Or, elle ne se résout pas à utiliser les marqueurs de vieillesse. Elle refuse d’être vieille. D’autant qu’à son âge, aujourd’hui, beaucoup sont juste un peu moins jeunes.

Elle a perdu l’équilibre en promenant son chien. Comme chaque fois. Son déambulateur est resté dans son appartement. Il sert de porte-manteau. Pompiers, Urgences. Épaule cassée (un nom plus compliqué en rapport avec l’humérus et une histoire de déplacement). Opération. Prothèse.

L’hôpital est saturé. Les urgences débordent. Les lits sont rares. Plus de 24h sur un brancard aux urgences. On veut la renvoyer chez elle en attendant la suite.

Mais la chute est aussi morale. Il y a longtemps que ma mère s’est mise en faillite d’elle-même.  Les symptômes de ses maladies et un abandon personnel alimentent un effondrement permanent. De gros blocs en petits cailloux, tout se délabre. J’explique le champ de ruines. Les urgences se démènent. On lui trouve un lit. L’hôpital la garde.

Perdue dans le bleu clair des draps, shootée aux anti-douleurs, elle attendait son transfert quand j’ai finalement pu la voir quelques minutes. Je n’ai pas regretté d’avoir insisté contre son retour à domicile. Sa chute est vertigineuse. Et elle n’est pas terminée. Chaque étape me lamine.

J’ai récupéré le chien. Il restera certainement plusieurs mois avec nous.

C’est de la tarte

Tarte aux pommes ou aux poires sont les gourmandises de l’hiver en attendant d’avoir la pêche cet été.

La tarte aux pommes, c’est l’incontournable de l’hiver. La lumière du four dans la pénombre du matin, la chaleur qui irradie la cuisine, les odeurs de pommes cuites et de pâte croustillante qui embaument toute la maison… De quoi réchauffer tous les sens.

De la farine, du beurre demi-sel et un peu d’eau. La base est simple. Le rouleau en bois affine la pâte. Un peu de beurre et de farine pour chemiser le moule pour une tarte ronde ou la plaque du four pour une version rectangulaire. Un bon économe et les épluchures de pommes tombent en volutes souples dans le bac à compost. Le couteau bien aiguisé autorise les tranches ultra-minces pour une tarte fine ou plus généreuse pour un gâteau plus épais. J’ai une préférence pour la version fine que je recouvre légèrement de garniture. Des œufs, un peu de sucre, une pointe de crème, un peu de lait, de la vanille ou de la cannelle bien mélangés.

Le four chaud va dorer l’ensemble, lui donnant de jolis reflets aux couleurs de ce soleil qui manque tant.

Les vagues gourmandes de la tarte aux pommes

La tarte aux poires, elle, est plus gourmande. Un pâte épaisse, de généreux morceaux de fruits et de la poudre d’amande pour absorber le jus. Elle fond en bouche et a l’art mettre moins de temps à disparaître qu’à être préparée. Livrée sur le campus par Uber Mum, la tarte a été partagée avec quelques privilégiés. Que ne ferait-on pas pour son étudiante préférée.

La généreuse tarte aux poires

La variante estivale opte pour les pêches avec de la poudre de pistaches. Elle se déguste idéalement dans un jardin ombragé, les pieds nus dans l’herbe épaisse, un chapeau de paille sur la tête. Ah la tarte aux pêches, elle a les saveurs du soleil, du farniente et des peaux hâlées. C’est la gourmandise de l’été.

Et vous, elle est à quoi votre tarte préférée ?

Un trésor dans ma boîte-aux-lettres

Dans ma boîte aux lettres aujourd’hui, j’ai trouvé un trésor. Un rappel à une valeur essentielle et un appel à vivre généreusement.

Dans ma boîte aux lettres aujourd’hui, j’ai trouvé un trésor.

On pourrait croire que c’est mon porte-monnaie, posé sur la pile d’enveloppes. Une bonne âme l’a sûrement ramassé sur le trottoir. À l’intérieur, tous les billets retirés au distributeur le matin même. Ma carte d’identité – avec mon adresse, un vrai sésame. Carte bancaire. Pass Navigo. Carte vitale. Mon kit de survie du quotidien.

Petit gabarit que je glisse dans mon sac à main. Format pochette. Juste assez grand pour y ranger mon porte-monnaie, un livre, mon téléphone, une batterie externe, un carnet et mes clés. J’imagine très bien un geste distrait : ranger mes clés, sortir mon portable… Et le porte-monnaie qui glisse, qui tombe. Et moi, qui ne m’en rend même pas compte.

Mais le vrai trésor dans ma boîte aux lettres, c’est la confiance. En celui ou celle qui a ramassé mon porte-monnaie. Qui a pris le temps de lire mon adresse sur ma carte d’identité et de me le rapporter, intact. Sans rien ponctionner. Sans rien demander en retour.

Un geste simple. Un acte de pure honnêteté. Aux antipodes du repli sur soi, du cynisme et de ces sombres faits-divers qui font souvent la une. Je ne dis pas que ces travers n’existent pas. Mais la confiance, elle, est essentielle. Comment vivre ensemble si l’on se méfie de chacun ? Si personne ne tend la main ?

Cette personne restera sans doute anonyme. Mais son acte, lui, est remarquable. Merci à elle, et à tous ces anonymes qui rendent la vie plus belle, un petit geste à la fois.

Ceci est une clé

Ou comment Magritte peut déverrouiller une facette d’Hortense.

Ne pas partir en vacances, c’est prendre le temps de laisser faner les maladies d’hiver en un froissement de mouchoirs

en papier. C’est aussi profiter d’habiter à proximité d’une ville qui fait rêver le monde entier, surtout depuis qu’elle a été si joliment mise en scène pour les jeux olympiques.

La pluie, le froid et les journées mornes n’incitent pas à se balader nez au vent dans les rues parisiennes. Alors il reste les musées. L’offre est monumentale. Sauf le lundi, où la plupart d’entre eux sont fermés. Seul Beaubourg ouvre ses portes et ses escalators extérieurs qui révèlent petit à petit une vue magnifique sur les toits parisiens. Même quand la tour Eiffel s’estompe dans les nuages.

L’expo phare du moment est celle sur le surréalisme. Une foule compacte piétine dans les allées, écoute doctement la voix d’André Breton reconstituée par une IA tout en découvrant son écriture serrée sur les pages de ses carnets. « Surréalisme » foisonne d’œuvres plus ou moins connues, bifurque entre les amitiés et les rivalités, les nationalités, les genres, les supports, les formats, les inspirations. L’ensemble est gigantesque, limite indigeste.

Et puis il faut aimer. Ce n’est pas mon courant favori même si la démarche est passionnante. Un artiste en particulier m’a pourtant fait énormément vibrer, Max Ernst. Je connaissais un peu, de loin, de nom. Une vraie rencontre. C’est une de ses œuvres, L’ange du foyer, qui a été choisie pour l’affiche de l’exposition. Personnellement, je suis restée subjuguée par ses forêts.

J’avais traîné Hortense avec moi. Qu’elle découvre par elle-même des œuvres qu’elle peut aimer, critiquer, détester. Peu importe, du moment qu’elle s’autorise ses propres choix. Elle a traversé l’exposition sans s’attarder. Trop de monde. Contempler une œuvre tenait de la bataille opiniâtre bien que silencieuse. Elle, ce sont les œuvres de Magritte qui ont systématiquement retenu son regard.

René Magritte, Les valeurs personnelles, 1952

Ses toiles font écho aux sentiments d’Hortense. Ce décalage permanent, légèrement absurde, derrière une première impression de normalité, c’est un univers qui lui parle, dans lequel elle se reconnaît. Car sous son air désinvolte, Hortense cache surtout une grande sensibilité. Comme elle ne sait pas vraiment quoi en faire, comme elle se sent très en marge des normes attendues, elle se verrouille. Magritte a été comme une clé.

Dans l’immensité de cette exposition, Magritte n’est qu’une anecdote. Mais il m’a permis de comprendre une facette d’Hortense. Rien que pour ça, ça valait la peine d’affronter la foule.

Quand 2024 cède la place

Prise dans les conversations animées, j’aurais pu manquer les dernières minutes de 2024. Nous avons décompté les secondes dans une bonne humeur joyeuse. 2025 a pointé le bout de son nez dans la nuit glaciale et humide de l’hiver parisien.

De 2024, je garde des éclats de couleurs, le nouveau traitement d’Eglantine, la guitare d’Hortense, la résistance d’Olivier face à la maladie, l’engouement festif des Jeux Olympiques. Mais aussi la pluie qui s’obstine à imbiber les sols et la grisaille qui enveloppe même les mois d’été. Heureusement, quelques parenthèses ensoleillées dans le sud de la France, les chemins de montagne et cette belle Turquie que nous aimons tant.

Pour 2025, je nous souhaite à tous des sourires partagés et des couleurs éclatantes. Pour rendre la vie encore plus belle et continuer d’en capter la lumière.

Bonne année !