Sur le chemin de la gare ce matin, mon ado me parlait de Vice-versa 2 et des nouvelles émotions qui ont fait leur apparition dans ce deuxième opus. Hortense évoquait l’ennui, la nostalgie… Le film réussit visiblement à mettre en couleur les turpitudes de l’adolescence. Période compliquée de mutation permanente, de recherche de soi, de doute et de sensibilité extrême.
Eglantine a éludé son adolescence. La gardant à distance, éteinte derrière ses douleurs et sa fatigue chroniques. Hortense vit pleinement la sienne, ses affres et ses joies, les changements de son corps. Déjà si grande alors qu’elle n’a que quatorze ans. Et une irrésistible inclination à enfouir ses émotions derrière une épaisse carapace d’indifférence.
Il faut généralement attendre la nuit pour que se déverrouille la cuirasse et que la parole se libère. Tard le soir, quand sa sœur dort et que son père lit dans notre chambre, si je traîne un peu au salon, elle vient s’assoir près de moi. C’est l’heure des confidences et des révélations murmurées dans les lumières tamisées.
Ces moments sont rares – le soir, je tombe généralement de fatigue. Ils sont d’autant plus précieux. Moi, je suis du matin, jamais plus en forme qu’au lever du jour. A cette heure où Hortense dort d’un sommeil de plomb duquel je culpabilise de la sortir.
La tête enfouie dans son oreiller, les cheveux en bataille, enroulée dans sa couette, mon ado redevient la petite fille qui dormait à poings fermés dans son lit à barreaux. Je voudrais encore la couvrir de bisous et la croquer du bout des lèvres. Mais aujourd’hui, c’est du bout du stylet que la croque sur ma tablette. On n’approche pas une ado si facilement.

Au moment d’accéder au train ce matin, nous avons demandé l’autorisation d’un agent en veste rouge et casquette noire pour que j’accompagne Hortense jusqu’à sa voiture. Mon ado prenait le train toute seule pour la première fois. Et après tout, elle n’a que quatorze ans. « Elle est grande quand même ! » répondit-il d’abord en constatant qu’elle le dépassait de quelques centimètres. Il a finalement refusé que nous sortions sa carte d’identité et j’ai pu passer les barrières de sécurité. Hortense était rassurée.
Une fois installée sur son siège, la valise à l’entrée du compartiment, la guitare sur l’étagère au-dessus de sa tête, le pique-nique dans le sac-à-dos, Hortense n’a pas prolongé les effusions. J’ai rapidement rejoint le quai.
L’adolescence, c’est un compromis permanent pour trouver la bonne distance avec son enfant. Laisser respirer tout en restant à l’écoute. Exiger et accepter. Accompagner et lâcher prise. Une expérience exténuante et tellement enrichissante, une découverte quotidienne.
Le train a passé la frontière espagnole. Mon ado n’a pas oublié de descendre à la bonne gare. Elle a retrouvé sa copine. Changement de famille pour quelques jours.
Il faudra que j’aille voir Vice-versa 2.