En arrivant sur Paris, l’A6 se resserre et les voitures se tassent à l’entrée du périf. Nous, nous prenons la direction de la Porte d’Orléans. Le samedi matin, nous allons chez le médecin d’Eglantine. Devant moi une Bretonne, drapeau noir et blanc sur sa plaque affichant fièrement le département 22 et autocollant A l’aise Breizh, avance à tâtons. Trois voitures s’engouffrent dans l’espace qu’elle garde constamment devant elle. Un peu plus loin, alors que le feu est vert, elle n’avance pas, semblant attendre qu’il passe à rouge. Mes mains caressent le klaxon. J’ai une furieuse envie de pulvériser la Bretonne à coups d’avertisseur.

Le feu passe de nouveau au vert. Elle avance tout doucement. Suffisamment pour que je me faufile à droite et prenne les chemins de traverse. Elle, elle s’engouffre dans le nœud gordien de la Porte d’Orléans.
Enfin je respire.
Peu m’importe désormais les feux, les piétons, les bus, les taxis, les livraisons, les trottinettes, les scooters, les autres voitures ou les vélos. Au moins, j’avance.
Eglantine s’amuse de me voir si heureuse d’être débarrassée de cette voiture.
Je lui fais remarquer que, après avoir été bloquée derrière une conductrice qui semblait refuser d’avancer, tout me semble être désormais fabuleux. N’est-on pas encore plus heureux après avoir vécu un moment pénible ?
Verbe riche et pensée structurée, Eglantine me trouve des points communs avec la pensée de Schopenhauer qui définissait le bonheur par opposition au malheur. Comme M. Jourdain qui découvre qu’il pratique la prose depuis plus de quarante ans, je me réjouis d’avoir des accointances avec Schopenhauer.
Nous contournons le Lion de Belfort et alors que la voiture tremble sur les pavés de Denfert Rochereau, je me régale d’avoir une fille capable de faire de la philo dans les embouteillages.