Je tombe régulièrement sur des articles qui expliquent que les parents d’aujourd’hui imaginent tous que leur enfant est HPI (haut potentiel intellectuel), qu’ils cherchent des explications plus baroques les unes que les autres pour montrer que leur enfant est différent, mérite plus d’attention. Bref, les parents sont des enquiquineurs qui surprotègent leur descendance.
Je tombe rarement sur des articles expliquant le parcours du combattant d’un enfant neuro-atypique et de sa famille. Quand Eglantine a commencé à souffrir de douleurs et de fatigue chroniques, nous ne connaissions rien au sujet. Aujourd’hui, j’avoue ne toujours pas vraiment comprendre ce qui la rend si différente.
Mais en ai-je vraiment besoin pour l’accompagner ? Petit à petit, nous trouvons ce qui lui fait du bien. Nous éclipsons au maximum ce qui la met en difficulté pour éviter cette fatigue qui peut la clouer au lit plusieurs mois.
Et je me rends compte que j’ai renoncé à expliquer ce qu’elle a. D’abord parce que, comme je viens de l’écrire, je ne sais pas vraiment. Ensuite parce que c’est très difficile à entendre pour la plupart des gens. Même des gens très proches. Même des gens bienveillants.
Eglantine appartient surtout à une catégorie de personnes qui souffrent d’une différence invisible.
C’est d’ailleurs le titre d’une bande-dessinée que nous avons découverte à l’automne. La différence invisible, de Mademoiselle Caroline et Julie Dachez.

Une jeune femme de 27 ans découvre qu’elle a un trouble du spectre autistique (TSA) de type syndrome d’Asperger. Elle comprend mieux sa sensibilité au bruit, à la lumière et pourquoi les interactions sociales, les transports en commun et plein d’autres aspects apparement anodins de la vie quotidienne la fatiguent énormément.

Évidemment, elle n’est pas le double dessiné d’Eglantine. Beaucoup de points communs et de grandes différences. Car Marguerite, dans la BD, a pu suivre des études et décrocher un emploi dans une grande société alors qu’Eglantine suit une scolarité chaotique depuis quatre ans.
Mais j’y retrouve les gens qui pensent que ça peut se soigner, qui m’expliquent que, quand on veut on peut.
Je pense aussi à ceux qui, apprenant qu’elle était au fond de son lit depuis un, deux, trois, quatre mois ou plus me demandaient s’il ne faudrait pas l’obliger à sortir. L’action entraîne l’action. A force de larver ainsi, forcément, elle se complait dans la paresse et l’inaction.
J’ai en tête toutes ces personnes aussi qui « ne la trouvent pas si mal ». Parce que, quand elle va bien, Eglantine semble en pleine forme. Elle s’enthousiasme comme tout le monde. Elle a une conversation intéressante, de l’humour et une curiosité infinie.
Heureusement, nous avons trouvé dans son école une équipe de professeurs compréhensifs, qui savent adapter leur enseignement aux contraintes d’Eglantine pour l’aider à développer son esprit, enrichir ses connaissances et l’accompagner pour rentrer au mieux dans le moule d’un système éducatif prévu exclusivement pour des neuro typiques.
Des professeurs qui sentent quand elle est épuisée, qui proposent des solutions pour l’aider, qui nous guident dans les méandres des PAI et des aménagements d’épreuves pour le bac.
Tout va tellement mieux quand cette différence invisible est reconnue et acceptée. La BD passe d’ailleurs petit à petit d’un noir et blanc austère ponctué d’un rouge agressif, à des cases colorées et joyeuses.

Cette différence invisible, c’est toute la magie d’Eglantine depuis qu’elle est née.