Marie-Ève, comme un soleil bombé sur un mur

Marie-Ève a des yeux bleus pétillants, les sourcils fins en accent circonflexe, un large sourire avec de belles dents blanches parfaitement alignées, des lèvres pulpeuses et le front haut des peintures du moyen-âge. Elle est rayonnante et les années semblent ne pas avoir de prise sur elle. Elle est partie vivre à Marseille il y a quelques années. Au rez-de-chaussée d’une vieille demeure, avec un jardin où des arbres poussent tout en hauteur, où les arts graphiques, la chine et de belles astuces architecturales créent une douce atmosphère aux couleurs bienveillantes.

Elle est une des rares camarades de lycée avec qui je suis restée en contact. Nos liens sont ténus, intermittents, lointains mais solides et sincères. Suffisamment pour passer plusieurs heures ensemble à discuter. Et l’impression, quand même, au moment de nous quitter, que nous aurions encore beaucoup de choses à nous dire.

Avec le charme incontestable, aussi, des rendez-vous de dernière minute. Découvrir sur les réseaux sociaux qu’elle est de passage à Paris, caler des retrouvailles au cœur de la capitale. Restau italien derrière l’église Saint-Eustache. Le temps est beau, la terrasse accueille nos discussions ensoleillées.

Marie-Eve est une artiste. Il me reste quelques part roulé dans un carton un portrait au crayon qu’elle avait fait de moi au lycée. Il a suivi tous mes déménagements. Du petit studio dans le Marais au quinzième étage d’une grande tour au sud de Montparnasse, du Portugal à la Roumanie, en passant par la Turquie.

On retrouve toute sa délicatesse, sa sensibilité et sa sagacité dans son travail. Je vous encourage à aller le découvrir sur son site Un p’tit coquelicot.

Nous avons continué nos retrouvailles parisiennes par l’expo CAPITALE(S), 60 ans d’art urbain à Paris. Entrée gratuite mais attention, réservation obligatoire ! Pour les as de la dernière minute comme nous, il faut compter sur la chance. La nôtre a été de rencontrer une maman avec sa fille, juste devant nous dans la queue, qui avait deux places en plus. Quelque chose à voir avec le karma quand on en pense à cette fois où c’est moi qui ai donné une entrée à une dame qui n’avait pas réservé pour la nocturne gratuite du Louvre.

Des souvenirs du passé face à l’histoire des premiers grafs. Nous avions quinze ans au début des années 90. Nous habitions alors dans une banlieue où brûlent quelques voitures à chaque nouvelle année. Des bombes de peinture dans les jeans baggy et les blousons Bomber. Des tags vite faits sur les murs décrépis.

Sentiment étrange de voir la vie urbaine s’exposer sous les voutes de l’Hôtel de Ville. Pourtant ça fonctionne vraiment très bien. On découvre les dessins préparatoires, la réflexion artistique, les recherches individuelles et l’émulation collective d’une histoire visuelle en construction permanente, vivant au rythme de l’urbanisation, mettant en lumière et en couleur les zones grises d’une ville pieuvre.

La grafbox, pour capturer en temps réel le processus de création et la gestuelle de l’artiste.

Néophyte dans le domaine, je suis impressionnée par la façon dont Marie-Ève accueille l’exposition en connaisseuse chevronnée des différents artistes. Loin d’être blasée, elle s’enthousiasme elle aussi pour les œuvres présentées et le processus créatif mis en avant.

Allez voir cette expo et vous ne regarderez plus jamais les graffitis de la même façon.

Sur la place de l’Hôtel de ville, les velib croisent les groupes de touriste, un homme crée d’énormes bulles de savon sous le regard subjugué des enfants, des couples s’enlacent. J’enfourche Pimprenelle pour regagner le sud de la capitale, le cœur vivifié par cette belle journée. Marie-ève est comme un immense soleil graffé sur le mur du temps.