Porte ouverte sur l’été

Faire naître sous mes pinceaux une porte ouverte vers l’été alors que la pluie crépite sur la fenêtre.

Le trait de crayon se pose sur la toile immaculée. Puis la première couche de peinture, Diluée, transparente, pour placer les principales masses. Une couche après l’autre, une zone après l’autre. Pinceau épais, puis de plus en plus fin. La palette s’empâte de reliefs de couleurs.

J’ai dû abandonner la toile en cours pendant une semaine. Je l’ai reprise aujourd’hui.

Un cadeau pour une jeune femme aimant beaucoup les plantes. J’ai hâte de lui offrir. En attendant, cette porte ouverte sur les sourires de l’été illumine mon salon.

Acrylique sur toile. 55×46

Balade hivernale

Une feuille de papier, quatre tubes de peintures et quelques pinceaux. Déposer les couleurs et voir apparaître un paysage d’hiver. Se vider la tête et laisser de côté inquiétude, colère et culpabilité.

Dérouiller les pinceaux

Cet été, je me suis réconciliée avec ma palette d’aquarelle. Malgré un manque flagrant de technique, petit bonheur de poser la couleur sur le papier épais. Avec une pratique plus régulière, le résultat serait sans doute meilleur. Mais je ne réussis pas à m’astreindre à une activité quotidienne.

J’avais aussi très envie de retrouver l’acrylique. Plaisir de peindre vite, avec cette infinie possibilité de revenir sur le travail en cours, reprendre un détail, recouvrir un regret. Mes quatre tubes posés sur la table de mon petit atelier, blouse, chevalet, palette, j’entreprends de mélanger mes primaires, y ajoutant parois une touche de blanc, pour obtenir les couleurs désirées. Tâtonner un peu avant de retrouver les bons réflexes. Me laisser surprendre par certains mélanges.

Puis, petit à petit, faire courir le pinceau sur le papier épais – je n’ai pas voulu reprendre tout de suite une toile. Poser les couleurs principales. Au premier passage, alors que l’ensemble évoque un barbouillage de maternelle, je m’interroge sur le résultat final. Impression de ne plus savoir peindre.

Couche après couche, ma peinture prend finalement forme. Un bouquet de fleur pour dérouiller mes pinceaux. Un peu de douceur pour relancer les gestes.

L’heure du goûter, pour le plaisir

Les pinceaux prennent la poussière dans les pots en verre. Les feuilles de papier accueillent quelques toiles d’araignées. Sous l’escalier, des toiles se fossilisent alors que les tubes de peinture sédimentent dans un panier. Je n’ai rien peint depuis plus d’un an.

Toujours quelque chose d’autre à faire. Plus urgent. Plus utile. Plus opportun.

Toujours un prétexte pour ne pas toucher mes couleurs. Trop de désordre dans l’atelier (la pièce me sert de dépôt pour tout ce qui me dérange ailleurs). Trop d’idées noires qui bouchent le ciel de mes envies. Et, à quoi bon, de toute façon, dans une heure il faudra préparer le dîner.

Il n’y a pas pire frein que celui que l’on crée soi-même. Pas le moral ? Je me plonge dans un livre, un film ou une série. Je me réfugie dans les histoires des autres. L’effervescence de la rentrée me donne envie de me blottir dans une coquille insonorisée, ou m’enfuir dans les mondes parallèles de ceux qui savent raconter des histoires.

Une soirée à remplir les formulaires. Confirmer les noms, adresse et numéros de téléphones, réécrire les dates de vaccins. Une matinée à dépouiller tête et draps (aux scouts on partage tout), commander les cahiers d’exercices, couvrir les livres, acheter les derniers cahiers.

Et puis, une éclaircie. Un moment de presque vide, un flottement et ce besoin, intense, de créer, de quitter l’envie pour le concret. Je n’ai pas d’idée en tête. Je prends un carnet et un crayon. Mes crobars m’encouragent.

J’étale les couleurs primaires et un peu de blanc sur un palette. Une feuille de papier suffira pour cette reprise. Je retrouve les gestes. Le plaisir.

Reste maintenant à continuer. Ne pas s’arrêter. Sans autre enjeu que le calme de l’esprit. Comme lorsque j’écris la Tasse de Thé. S’autoriser à créer, à son échelle, dans un entresol encombré (mais qui a l’avantage de rester frais même en pleine canicule tardive). Juste pour le plaisir.

L’heure du goûter, acrylique sur papier

Ce moment-là

Une femme, un homme, leur vie qui s’arrête alors que leurs regards se perdent dans l’horizon marin… Acrylique sur toile, 80×60

Ce moment-là
Acrylique sur toile – 80×60

Quand un vent léger caresse les visages hâlés
Quand le soleil vibre sur la mer
Une femme, un homme

Leur parcours usé
Unis dans une même position
Leur vie écoulée

Oubliées les tempêtes passées
Eludées les bourrasques à venir
Plénitude gorgée de couleurs

Ce moment-là
Tu te souviens ?

La Japonaise et les hortensias

Mêler lecture et peinture et voyager dans les couleurs.

J’ai toujours au moins trois livres en cours. L’un, classique, en papier, petit ou grand format, dans les pages duquel je me plonge avec le plaisir sensuel du doigt qui tourne les pages. Un autre sur ma liseuse électronique que je lis le soir avant de m’endormir ou au milieu de la nuit quand une insomnie me réveille. Le dernier est un livre audio qui me distrait des inéluctables besognes du quotidien. Il accompagne aussi régulièrement mes séances de peinture.

La semaine passée a été l’occasion de marier mes lectures et ma peinture. La papeterie Tsubaki de Ito Ogawa est un ouvrage au rythme lent. Popo écrit des lettres pour les autres, elle est écrivain public. Son art ne réside pas seulement dans les mots mais aussi dans l’encre qu’elle choisit ou encore le papier, le stylo ou la plume qui vont donner tout leur sens au message. Elle est surtout calligraphe. Elle a appris cet art avec sa grand-mère, l’Ainée, qui l’a élevée de façon très rigoureuse, dans la papeterie familiale.

Le livre glisse au fil des pages comme un pinceau sur une feuille blanche. Doucement, tendrement, dans un mouvement souple et ample. Une fleur revient souvent, l’hortensia. Ceux dont Mme Barbara, la voisine, ne coupe pas les fleurs fanées à la fin de la saison.

« A Kamakura, c’est bientôt la saison des hortensias. Mais les hortensias ne sont pas seulement des fleurs aux jolis pétales (des sépales, en réalité), comme je l’ai découvert.

C’est la voisine, Mme Barbara, qui me l’a appris.

Elle n’a pas coupé les fleurs cet été, ses hortensias sont restés sur pied tout l’hiver.

J’avais toujours trouvé les fleurs d’hortensia fanées terriblement tristes. Mais non. Elles aussi sont belles et fraîches. Les feuilles, les branches, les racines et même les endroits grignotés par les insectes, tout est beau, je l’ai compris. »

Ceux aussi d’un temple de la ville.

« Mais pour être honnête, l’été, c’est la morte-saison pour la papeterie Tsubaki. Non seulement pour la boutique, mais pour Kamakura dans son ensemble. Les visiteurs se font rares. Il y a un peu d’animation autour de la gare, mais la plupart des gens vont à la mer, du côté de Yuigahama et de Zaimokuza.

Il y a aussi moins d’endroits à visiter ; même le temple Meigetsu-in de Kita-Kamakura, réputé pour ses hortensias, les coupe tous dès le mois de juillet. En plus, comme il fait terriblement  chaud, cela décourage sûrement les touristes. »

Curieuse, j’avais envie de connaître ce temple, de lui donner une réalité physique. J’ai googlelisé son nom en y associant les hortensias. Et j’ai effectivement trouvé de très belles photographies de l’endroit, avec des allées bordées de fleurs exubérants. Inspirée par l’une de ces photos, j’ai décidé de peindre ce tableau.

La Japonaise et les hortensias – Acrylique sur papier toilé – 38x52cm

Pendant ce travail, j’écoutais 1Q84 de Haruki Murakami. Le livre 1. Là encore, le rythme de l’histoire est assez lent. Les personnages prennent leur temps, leurs émotions ne nichent dans l’entrelacs élastique des mots. Un tempo idéal pour peindre une Japonaise en kimono devant un mur d’hortensias.

La touche finale ? Mon livre papier, Rien n’est noir de Claire Berest. L’histoire de Frida Khalo contée à l’ombre des couleurs. Les fêtes, les douleurs, les colères, les amours et, surtout, Diego, le peintre ogre qui mange la vie en riant.

Je n’utilise jamais de noir dans mes peintures. Je ne travaille qu’avec les trois couleurs primaires et le blanc. Rien n’est noir. Et pourtant, la lumière ne peut jaillir que de l’ombre.