Hortense s’est installée sur le tapis de sa chambre. Elle s’active au-dessus de son ardoise magique. Possibilités infinies de dessins éphémères. Dessins abstraits des jours de la semaine, nuages psychédéliques et châteaux merveilleux avec cachettes secrètes, créneaux et drapeaux. « Voici » me dit-elle en me montrant son dernier château. « Regarde les rideaux sont là ! »
Mois : février 2015
Judo
Eglantine se précipite dans son vestiaire alors que j’accompagne Hortense de l’autre côté du couloir à son cours de danse. Dès que mon petit rat a passé la porte de sa salle, je traverse le vestiaire filles du dojo 1 et rejoins ma grande en plein échauffement judoka. Elle rayonne, court joyeusement et retrouve avec plaisir Olivier et Jacques, forces tranquilles d’un sport qui relève d’un art de vivre, ceintures noires à la patience d’ange, professeurs passionnés.
Eglantine saute le plus haut possible à la corde à sauter avec sa ceinture blanche. Elle prend de l’assurance dans ses chutes, s’amusent des défis des petits combats et tente de mémoriser les noms japonais des prises qu’elle apprend.
Elle dégage pendant une heure une plénitude chargée d’énergie dont le spectacle ne me lasse pas.

Roses d’hiver
RER B. Direction Châtelet. Un joli bonnet en polaire sur de doux cheveux blancs dont les mèches encadrent de fines lunettes. Sortant de la poche d’un manteau de laine sombre, un fil rose bonbon qui remonte jusqu’aux oreilles d’une jeune femme dont les joues ont aussi rosi sous l’attaque du froid. Posé sous un siège, un sac de toile rayée dans un camaïeu de roses sur fond blanc est coincé entre les barreaux d’un épais pantalon noir. Du coin de l’œil j’aperçois également un morceau de sac plastique rose vif qui pointe dans l’ouverture d’un sac à main. La jeune femme en face de moi tapote nonchalamment l’écran de son téléphone qu’elle a revêtu d’une protection vieux rose.
Floraison des roses d’hiver. Envie de printemps.
P’tit gars du métro
Ligne 6. Direction Pont de Sèvres. Il doit avoir 12 ou 13 ans. Il a pris place d’un mouvement impérieux au milieu des adultes. Il a aussitôt sorti de sa poche un vieux Blackberry dont l’écran n’est pas tactile. Il joue de la molette avec un pouce expert qui fait défiler les menus à une vitesse hallucinante. Dans la coque transparente, il a coincé un bout de feuille à grands carreaux, secret d’écolier. Il passe une bonne partie du trajet à faire des selfies approximatifs en retournant son téléphone. Il regarde le petit objectif avec le sérieux d’un titi parisien. Quand un chanteur de métro fait un discours sur le mal logement avant d’entamer une chanson militante sur le thème de Moi j’suis pas Charlie, vive la révolution, tous des cons, il me sourit en disant : « il est pas Charlie mais Charlie Chaplin lui « .
