L’heure du goûter, pour le plaisir

Les pinceaux prennent la poussière dans les pots en verre. Les feuilles de papier accueillent quelques toiles d’araignées. Sous l’escalier, des toiles se fossilisent alors que les tubes de peinture sédimentent dans un panier. Je n’ai rien peint depuis plus d’un an.

Toujours quelque chose d’autre à faire. Plus urgent. Plus utile. Plus opportun.

Toujours un prétexte pour ne pas toucher mes couleurs. Trop de désordre dans l’atelier (la pièce me sert de dépôt pour tout ce qui me dérange ailleurs). Trop d’idées noires qui bouchent le ciel de mes envies. Et, à quoi bon, de toute façon, dans une heure il faudra préparer le dîner.

Il n’y a pas pire frein que celui que l’on crée soi-même. Pas le moral ? Je me plonge dans un livre, un film ou une série. Je me réfugie dans les histoires des autres. L’effervescence de la rentrée me donne envie de me blottir dans une coquille insonorisée, ou m’enfuir dans les mondes parallèles de ceux qui savent raconter des histoires.

Une soirée à remplir les formulaires. Confirmer les noms, adresse et numéros de téléphones, réécrire les dates de vaccins. Une matinée à dépouiller tête et draps (aux scouts on partage tout), commander les cahiers d’exercices, couvrir les livres, acheter les derniers cahiers.

Et puis, une éclaircie. Un moment de presque vide, un flottement et ce besoin, intense, de créer, de quitter l’envie pour le concret. Je n’ai pas d’idée en tête. Je prends un carnet et un crayon. Mes crobars m’encouragent.

J’étale les couleurs primaires et un peu de blanc sur un palette. Une feuille de papier suffira pour cette reprise. Je retrouve les gestes. Le plaisir.

Reste maintenant à continuer. Ne pas s’arrêter. Sans autre enjeu que le calme de l’esprit. Comme lorsque j’écris la Tasse de Thé. S’autoriser à créer, à son échelle, dans un entresol encombré (mais qui a l’avantage de rester frais même en pleine canicule tardive). Juste pour le plaisir.

L’heure du goûter, acrylique sur papier

Rien de spécial mais du bonheur dans l’air

La canicule s’est enfin échouée dans une fraîcheur nouvelle. On respire mieux. Le ventilateur est éteint. On ne guette plus le moindre courant d’air entre deux fenêtre ouvertes. Les magasins rouvrent petit à petit. Bars et restaurants aussi. Il n’est pas rare de croiser une amie dans la rue. Personne ne court après le temps. Il semble suspendu en attendant la vraie fin de l’été, en septembre, avec la rentrée. Même Olivier termine ses journées à des heures normales.

J’aime ce rythme tranquille, loin des urgences et de l’accumulation des to-do list. J’en profite pour remettre le nez dans l’atelier, trier, ranger, jeter. Faire courir un pinceau sur une feuille de papier. Rien de bien réfléchi, ni de très travaillé. Reprendre seulement mes marques. Retrouver un espace où créer. Pour libérer mon esprit, il me faut aussi dégager mon lieu. Me séparer d’une partie de ce que je garde depuis neuf ans que nous sommes revenus en France. J’avais réussi à tout faire entrer dans mon petit atelier au sous-sol. La conclusion est pourtant évidente aujourd’hui. Ma machine à coudre reste à l’arrêt. J’écris en dilettante et je peins encore moins souvent. Tout le reste de ce matériel qui a fait vibrer mes expatriations prend la poussière.

J’en garde une partie pour avoir la liberté de jouer avec les couleurs et les matières quand j’en ai envie. Ne pas fermer la porte. Mais, petit à petit, je me sépare de ces choses que j’accumule au fil des ans dans l’espoir d’en faire quelque chose. Un jour…

Première étape, ces piles de magazines que je suis persuadée de relire un jour. Je ne les ouvre pas. Je commencerais à les lire et je voudrais encore les garder pour les terminer. Plus tard.

Derrière moi, le chevalet est prêt. Je sens qu’il faut que je m’y remette. Oublier le temps et les soucis dans les couleurs qui se superposent. Ce sera mon défi de la rentrée. Peindre de manière régulière. Quel que soit le résultat.

Je tiens déjà à peu près celui de la nouvelle année avec l’écriture de ce blog. Même si je reste parfois silencieuse un peu trop longtemps, même si j’ai renoncé assez rapidement à écrire tous les jours, la Tasse de Thé a retrouvé sa saveur. Je ne sais toujours pas vraiment ce que je mets dedans. Je n’aime pas en faire la promotion. Elle reste un petit moment privilégié avec ces quelques lecteurs fidèles que je vois passer à travers les statistiques qui s’affichent dès que j’ouvre l’outil de publication. Ou ceux qui me disent, quand je les croise, combien ils aiment ces rendez-vous sans enjeu, ces tasses de thé partagées comme une conversation au coin de la rue.

Ce soir, mes pensées semblent n’avoir ni début ni fin. En réalité, je n’ai rien de spécial à raconter. Si ce n’est une tranquillité fugace que je savoure avec délectation.

Merci à vous de me lire. Sentir votre présence bienveillante me fait beaucoup de bien.

Comme lorsque je marchais dans la rue cet après-midi. Eglantine roulait en skate à côté de moi.

Rien de spécial mais du bonheur dans l’air.

Je partage en conclusion la chanson que j’écoute à l’heure de terminer ma Tasse de Thé du jour, The redwing, de Feist. Douceur de la nuit, rêves et espoirs du soir.