Battre les coeurs au rythme du fado

J’ai lu cette citation un jour, en introduction d’un article d’un sociologue sur les pathologies du travail.

« De partout monte le sentiment qu’inexorablement, le monde s’obscurcit. Et à ce sentiment répond, en écho, une aspiration diffuse à la beauté. »  Monchoachi

Quelques jours après, je suis allée voir Bate Fado, de Jonas & Lander. Du fado dansé.

Trois ans et demi au Portugal et je n’en avais jamais entendu parler. Pour des raisons géographiques, nous connaissions surtout le fado de Coimbra, chanté par des hommes. Nous avions également découvert la voix envoutante de Mariza lors d’un concert à Aveiro. Nous étions jeunes, elle aussi. Sa carrière n’a cessé depuis de se renforcer et sa notoriété de traverser les frontières. Mais voilà que je m’égare dans le vertige des souvenirs. Conséquence de cet art du fado qui chante les vibrations de la saudade, cette mélancolie rêveuse des Portugais ?

Le fado, à l’origine, était dansé. Ou plutôt « battu » comme l’indique le nom du spectacle. Rythmé par le martèlement puissant des talons épais des bottines cavalières. Neuf artistes, deux femmes, sept hommes. Guitares classiques et guitares portugaises, basse et ukulélé emplissent l’espace d’une soirée la salle de La Piscine (un des trois lieux de l’Azimut). Mélodies entêtantes, harmonies douces ou charivari, langoureuses comme un long voyage un bateau, tristes comme la perte d’un ami, brutales comme une tempête ou allègres comme une journée de carnaval.

Deux danseuses, deux danseurs, quatre musiciens et le fadista, le chanteur de fado, Jonas. Une voix puissante qui donne la chair de poule. Et qui, lors de la reprise finale, sait entraîner son public francophone à partager la saudade grâce à une chanson d’Edith Piaf. Et c’est toute la salle qui rejoint le fadista en reprenant en chœur Padam, padam, padam, ce petit refrain gravé dans toutes les mémoires. Ou comment faire vivre à des Français l’ambiance d’une soirée de fado portugaise, quand toutes les générations chantent ensemble les paroles du fadista.

S’il reprend les codes traditionnels du fado, allant fouiller les archives pour en retrouver les pas de danses originels, Bate Fado n’a rien d’un spectacle folklorique. Les musiciens ont des airs des rocks stars ou de marins au long cours, les danseuses ont des caractères forts, une présence presque animale qui vient compléter le velouté de certains hommes, dans des chorégraphies aux teintes presque érotiques.

Et il y a Lander, le danseur vedette, à l’origine du projet avec Jonas. Petit et vif, il irradie la scène de mouvements à la rapidité quasiment mécanique qui rappellent Les temps modernes de Charlie Chaplin.

Enfin, il faudrait parler de ce kiosque de lumière, point de départ à toutes les rêveries dans lesquelles nous emmène cette troupe joyeuse, de l’humour festif qui sous-tend le spectacle ou des références au métissage du Brésil et du Portugal dans la naissance du fado.

Quand on sait que le fado était un des rares moyens d’expression sous la dictature de Salazar, les paroles de Monchoachi résonnent d’autant plus avec ce très beau spectacle de Jonas & Lander. Il apporte de la beauté et de la lumière. Une joie qui fait battre les cœurs.

Image issue de l-azimut.fr, © José Caldeira

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