De l’autre côté du Bosphore

Matinée à Istanbul. Rive asiatique. Quitter la maison endormie et marcher dans les rues ensoleillées. La chaleur monte doucement en ce début d’automne. Retirer le pull de coton, acheter des açma à la boulangerie. Les mots qui reviennent. La douce musique de la langue aimée mais oubliée.

Remonter la ruelle le long du vieux cimetière. Admirer les pierres tombales séculaires soutenues par la végétation luxuriante. Dans le creux d’un turban de marbre, un escargot. L’ombre douce sur les allées encore humides de rosée. Les chiens décharnés au regard paisible. Sur la margelle d’une fontaine, un chat me regarde, impassible.

Puis apparaissent un bout de rivière, les premiers bateaux et les premières yalı, ces maisons traditionnelles des bords du Bosphore, joliment restaurées. De grosses voitures rutilantes et de vieilles guimbardes poussiéreuses se croisent difficilement dans l’étroite ruelle. Face aux restaurants chics aux brunchs pantagruéliques, des maisons modestes devant lesquelles sont alignés d’humbles pots de fleurs. La lumière qui s’accroche délicatement dans les feuilles. Tendresse de la peinture écaillée comme la peau usée des vieux marins qui boivent leur thé un peu plus loin devant la capitainerie du petit port local.

Puis, enfin, derrière les pierres ocres de la vieille forteresse d’Anadolu Hısarı, le majestueux Bosphore. Les vapör croisent d’immenses cargos dont les coques disent les tempêtes des océans. Ici un pêcheur sur son petit bateau. Là, des touristes en croisière et les hauts-parleurs qui expliquent la ville.

Sur le quai, entre le clapotis des vagues, les cornes de brume, les cris des mouettes et les klaxons, une petite boutique de thé. Liquide ambré dans les courbes d’un verre tulipe qui s’attrape par le col, pour ne pas se brûler. Froissement des sacs en plastique des boulangeries voisines dans lesquels plongent des mains gourmandes. Miettes de simit, de börek et autres poğaça sur les petites tables rustiques. Tintement des cuillères reposées dans les soucoupes en porcelaine blanche rehaussée de notes rouge et doré. Les visages tournés vers le Bosphore. Là-bas, on aperçoit un bout du pont suspendu entre deux continents.

Ici l’Asie. En face l’Europe.

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