Madelaine avant l’aube

Un roman de Sandrine Colette qui laisse un goût âpre et chaud. Un clair-obscur magnifique.

Dans les romans de Sandrine Colette, les humains se taisent face à cette nature immense, aux échos infinis, qui ouvre et ferme les horizons. J’avais été happée par On était des loups. La lecture de Madelaine avant l’aube me laisse un goût âpre et chaud, comme des marrons cuits dans la cheminée un soir d’automne. La noirceur de la nuit, l’éblouissement du feu.

Voilà des temps anciens aux contours indéfinis dont on sait seulement que les seigneurs avaient encore tous les pouvoirs, chevauchaient à travers leurs terres l’épée à la ceinture et avaient droit de vie et de mort sur leurs paysans. Des temps où la famine guettait derrière les bourgeons du printemps. Des temps où les enfants naissaient à la chaîne et mourraient presque aussitôt. Des temps où la vie se pressait entre la forêt, la rivière et les champs.

Le paysage rappelle ceux de ces contes un peu sombres qui allongent les ombres et écarquillent les yeux. Dans un coin reculé, à l’écart de tout, les Montées, vivent une poignée d’hommes et de femmes, entrelacés entre la beauté et la force, l’impuissance et la sagesse, l’enfance et la maturité, la lourdeur de la terre et le sifflement du vent. Tous liés par une résignation poisseuse que viendra perturber une petite fille à la sauvagerie animale. Tel un chat indomptable, hostile à l’injustice et à l’arbitraire.

Lumineuse et incandescente, Madelaine vit au rythme des saisons et de ses émotions. Une « fille de faim » avec une volonté farouche de vivre, sans concession.

Un livre splendide et rude, qui touche au plus profond des âmes, faisant appel à tous nos sens, où la tendresse affleure, l’amour se devine et la famille se dessine en creux. Un clair-obscur magnifique.

  • Sandrine Colette, Madelaine avant l’aube, Lattès, 2024, 252p.